Le Salon Odébit 2008, qui a lieu du 23 au 25 septembre au CNIT de Paris-la Défense, accueillait pour son premier jour un "Grenelle du très haut débit". Parrainé par Eric Besson, Luc Chatel et Hubert Falco – respectivement secrétaire d'Etat à l'économie numérique, à la consommation et à l'aménagement du territoire –, ces assises ont vu se succéder interventions et tables rondes, avec au final un constat simple et évident : il faut "fibrer la France", et vite.
Pourtant, le sentiment qui ressort de ces multiples rendez-vous est justement que l'on n'avance guère. Certes, cette année, tout le monde est à peu près d'accord pour parler de "très haut débit" (THD) et non plus de "haut débit", mais nombreux sont ceux qui, dans les campagnes et zones peu couvertes, attendent encore une connexion ADSL permettant d'accéder aux offres "triple-play". Fidèle au poste chaque année, le Lozérien Pierre Ygrié a poussé son coup de gueule pour plaider la cause des oubliés du grand réseau.
De même, la guerre des tranchées – au sens littéral du terme – entre l'opérateur historique, Numéricâble et les opérateurs alternatifs ou locaux n'est toujours pas résolue. La mutualisation, rendue obligatoire – notamment au vu des investissements attendus afin d'espérer une couverture uniforme du territoire –, suscite encore de nombreuses réticences, quand on ne parle pas d'écueils techniques, chacun y allant de sa propre technologie de raccordement, évidemment incompatible avec celle de la concurrence. C'est le leitmotiv de Stéphane Lelux, président de l'observatoire THD Tactis, qui, dans son intervention, n'a eu de cesse de le marteler.
C'est pourquoi l'Europe veut montrer l'exemple. Un cadre réglementaire imposant aux autorités nationales de régulation de "donner accès aux réseaux des opérateurs dominants au niveau le plus bas possible" a fort opportunément été présenté la semaine dernière par les deux commissaires européennes Neelie Kroes et Viviane Reding. En France, l'adoption de la loi de modernisation de l'économie (LME) en juillet dernier, qui facilite l'accès des immeubles aux opérateurs et impose la mutualisation des réseaux, devrait aussi faciliter les choses.
UNE SEULE SOLUTION : LA PÉRÉQUATION
Dans son intervention, Eric Besson est conscient du "facteur-clé de compétitivité pour nos entreprises. Cette migration vers le très haut débit, notamment via la fibre optique, est l'un des éléments de la mondialisation des échanges". Pour ce faire, comme le souligne Gabrielle Gauthey, membre de l'Arcep (Autorité de régulation des télécommunications et des postes), dans son intervention, "les collectivités deviennent (...) les architectes des ressources rares, mutualisables de leurs territoires, [il faut donc] trouver les voies de la juste régulation et construire des partenariats public-privé qui permettront à notre pays de garder dans le très haut débit la place qu'il a su gagner dans le haut débit".
Mais les chiffres sont là : en juin 2008, et selon les intervenants officiels présents au Salon, France Télécom compterait entre 14 000 et 16 000 raccordés à la fibre, tandis que Numéricâble revendiquerait pour sa part près de 104 000 utilisateurs fibrés. Ce dernier dispose d'un avantage certain, puisque ses infrastructures réseaux sont déjà installées jusque dans les immeubles. Pourtant, on est encore loin des chiffres de raccordement THD annoncés par le gouvernement, qui espère toujours 4 millions d'abonnés THD fixe à l'horizon 2012.
Une solution s'est profilée durant les tables rondes. Plusieurs intervenants et auditeurs – y compris Jean-Michel Billaut, le "Monsieur Loyal du THD" au Salon – ont en effet évoqué la possiblité de créer un fonds de péréquation (transfert d'impôts entre administrations pour effacer les écarts de richesses entre régions), à l'image de celui qui avait été lancé pour la densification du réseau électrique en 1946. Par ailleurs, et le gouvernement y songerait sérieusement, l'utilisation – à moindre coût – des poteaux électriques pour tirer les fourreaux optiques est de plus en plus évoquée. La lumière viendra t-elle (enfin) du ciel ?
Par Le Monde