Perché sur une colline, faisant dos à la mer, orienté, traditions obligent, vers l’est, Taksebt est un haut lieu d’histoire plurimillénaire. Selon l’un des doyens du village, Da El Hadj Bourachdène, Taksebt fut, à partir de 1870 un réceptacle de plusieurs individus qui avaient quitté leurs villages d’origine pour venir s’y installer définitivement.
Ils venaient, en effet, d’Azeffoun, de Larbâa Nath Irathen, des douars limitrophes, à savoir Taourirt Zouaou. C’est la présence d’un imposant monument Soumâa, datant de l’ère romaine qui inspira peut-être la sédentarisation des uns et des autres. Celui-ci a toujours tenu bon, tout au long des siècles, jusqu’au séisme de 2003 qui l’a un peu altéré. D’autres vestiges « trônent » encore à Arrich, au cœur même du village. Da El Hadj nous dira, évoquant les us de l’époque (vers les années 1920 jusqu’aux années 1950) : « La solidarité et le nif étaient des concepts immuables. Si quelqu’un perdait sa maison la veille, le lendemain, il se verrait construire une autre. Les matériaux étaient abondants.
La main-d’œuvre aussi. Il existait des lois que personne n’enfreignait. A titre d’exemple : avant les labeurs, on nettoyait d’abord le village, avant de vaquer ensuite aux travaux des champs. Les conflits étaient réglés sur place. En été, on recevait des troubadours qu’on hébergeait à la mosquée du village. » Notre hôte nous étonna par le désintérêt qu’ils avaient pour la mer, bien qu’elle soit à deux doigts, avant de nous gratifier de quelques vers du célèbre Si Muhand U Mhend. A partir des années 1960, le village entrait dans une autre phase, celle du béton, des maisons à étages etc. Les villageois avaient quand même l’ingénieuse idée de construire ailleurs et de laisser intactes leurs anciennes demeures.
C’est à partir de là que nous nous réjouissons d’un site, qui vu de loin, nous replonge dans une atmosphère de sérénité propre aux villages kabyles. Longtemps resté en l’état, l’ancien village de Taksebt lui prédisait-on depuis quelques décades déjà des lendemains incertains ? Ne nous hasardons pas pour le « oui ». Ce qui nous a été permis de voir en compagnie du président, Daoud B. de l’association culturelle dénommée Amequias avait toutefois un air de tristesse. La dégradation avancée des maisons laissait place à une angoisse perceptible, tant c’est toute la mémoire collective d’une région, d’un lieu qui se désagrège au profit de l’amnésie, du « je-m’en-foutisme ». Ces constructions singulières qui tombent en ruines, les unes après les autres nous renvoient l’offensante image d’une société en pleine déliquescence.
Pourtant tout est mémoire à Arrich : bien que ses dédales soient recouverts d’herbes folles, la promenade en vaut la peine. Bien que les toits en tuiles rouges (locales) s’effritent par le poids du désintérêt, on s’émerveille de leur agencement. Les poutres et autres supports qui pèseraient des tonnes d’une rare valeur sont livrés aux termites et à l’humidité (due aux infiltrations pluviales). Les silos, Ah ! ces fameux silos qui avaient nourri tant de générations risquent de finir en un amas de terre. Plusieurs soupentes ont déjà disparu. Devant cet état de délabrement sans précédent, une poignée de jeunes s’est fait un devoir de sauvegarder ce qui peut encore l’être. Le point de départ était la création d’une association, (Amequias, ndlr).
Son principal objectif était la sauvegarde de ce patrimoine, faut-il le souligner, incommensurable. Daoud B nous a informé qu’en parallèle aux différents volontariats sur les différents sites du village, un travail de recensement d’objets non encore répertoriés, une formation en archéologie aux jeunes allait être assurée par la direction de la culture via l’antenne archéologique de Tigzirt. Hélas ! Il n’en fut rien. Armés du devoir de préservation de leur histoire, les jeunes de Taksebt ont quand même essayé « de finaliser tout un dossier à l’attention de l’UE (Union Européenne) pour un don de 5000 euros, mais c’était sans compter sur le parcours labyrinthique d’une telle démarche. Un compromis a néanmoins été trouvé avec la direction de la culture de Tizi Ouzou pour la restauration de ce patrimoine inestimable, tout en assurant que tout allait rester intact.
Des sponsors ont même donné leur accord pour accompagner cette opération. Grande fut la frustration des membres de l’association devant le refus net des propriétaires des lieux (maisons) », nous a-t-on dit par ailleurs. Devant autant d’incompréhensions, tous ont fini par baisser les bras. Dès lors, les conséquences sembleraient n’affecter personne. Signalons enfin que le village de Taksebt a eu Le 10e prix du village le plus propre de la wilaya décerné le 21 novembre 2007 par l’APW dont le montant restait dérisoire par rapport aux besoins réels du village. Il a néanmoins permis des menus travaux, sans plus.
Par El Watan