Florence Legrand
27 mai 2009 23:11
C'est aujourd'hui, mercredi 27 mai, que Michèle Alliot-Marie présentait son projet de loi Loppsi au Conseil des ministres. Mouchards et implication des FAI pour bloquer certains sites font partie des 35 articles proposés. L'insécurité a toujours la cote au gouvernement.Point de répit. L'après-Hadopi se poursuit, même si ce n'est pas ainsi qu'on l'imaginait.
"Enfin !", se dit-on certainement dans les couloirs du ministère de la justice. "C'est reparti !", pense-t-on chez les détracteurs d'Hadopi et les défenseurs des libertés individuelles. Le projet travaillé et retravaillé (depuis 2007) par Michèle Alliot-Marie sort finalement de l'ombre. Après l'endurance, c'est l'assurance qui semble animer la ministre.
Internet n'a pas les faveurs du gouvernement et ce dernier semble bien décider à le structurer ou, dans une toute autre mesure, à l'utiliser pour pister la criminalité. Objectif de Loppsi, acronyme de Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure: renforcer, par de multiples recours, la sécurité intérieure de la France -- que l'on croyait pourtant déjà bien en main. Motivation : mieux protéger les citoyens et les internautes. Pour ce faire, le numérique et les nouvelles technologies informatiques vont être particulièrement exploités. Que prévoit Loppsi ?
Une lourde dépense tout d'abord puisqu'une enveloppe budgétaire de 2,5 milliards serait débloquée, si la loi est votée, pour mettre en oeuvre le projet entre 2009 et 2013. Une lourde somme allouée en grande partie aux équipements nécessaires pour lutter contre la nouvelle délinquance.
FAI contraints et forcésEn pratique, la loi veut mettre à mal l'un des principaux fléaux de la cybercriminalité : la pédophilie. A ce titre, les FAI, pourraient être amenés à bloquer des sites (français et étrangers) diffusant des contenus pédopornographiques. Ces derniers seront nommés par le Ministère de l'Intérieur et figureront sur une "liste noire". Si le FAI ne se montre pas coopératif et réactif, il pourra encourir une amende de 75 000 euros et un an d'emprisonnement. Voilà, qui laisse peu de choix à nos fournissuers d'accès décidément voués à devenir des intermédiaires de choix.
En outre, pour mener à bien une enquête ou en accélerer le processus, certains ordinateurs pourront être mis sur "écoute". De cette façon, la police pourra suivre en temps réels, grâce au mouchard installé à l'insu du propriétaire du PC (mais sous contrôle d'un juge souligne le texte), ce qu'il y a sur l'écran du suspect.
Or, si la ministre s'est empressée de préciser que ce procédé ne serait utilisé que contre la pédophilie ou le terrorisme, pourquoi cette technique ne s'étendrait pas demain à d'autres périmètres (téléchargement illégal) ? Les FAI n'auront absolument pas le droit de rendre publique les noms de domaine
blacklistés, dès lors, qui apportera la garantie que n'y figure pas aussi d'autres URL n'ayant aucun rapport avec les criminalités les plus élevées ? Enfin, interdire le mode de diffusion règlera-t-il, tout ou partie, le problème des crimes à caractère pédophile ?
Usurpation d'identité électroniqueAutre mesure. Même si l'emprunt d'une identité ne cause pas de préjudice financier à la victime, la loi promettra la mise en place d'un préjudice moral. Dans les faits, toute personne qui se sera servi du nom d'un tiers sur un forum, un réseau social, sera passible d'une amende de 15 000 euros et d'un an d'emprisonnement ferme.
Souriez, vous êtes filmésLes entreprises souhaitant installer des caméras de surveillance près leur commerce ou entreprise doivent aujourd'hui faire preuve de patience pour espérer obtenir une autorisation. En dehors de zones à risques (liées à de possibles attentats, par exemple), tout le monde ne pose pas une caméra comme il l'entend. Fort heureusement d'ailleurs. Demain, si Loppsi passe, ce sera beaucoup plus simple car c'est
a priori ce qu'il convient de faire pour renforcer la sécurité sur la voie publique.
Insécurité, mon amieEn prenant comme principal motif la lutte contre la pédopornographie (un crime qui sensibilise toute l'opinion publique), la ministre de l'Intérieur n'espère-t-elle pas que son projet -- qui sera soumis aux députés à l'automne prochain --profitera d'un laissez-passer peu difficile à obtenir ? Dès la première lecture, on ne peut pas ne pas penser aux dérives éventuelles.
Le gouvernement semble décidément bien mal comprendre Internet, mais se montre en revanche parfaitement enclin à le définir comme un territoire hautement incertain capable de tout et surtout du pire.