Comment utiliser les cellules souches en médecine régénérative ?
Comment seraient-elles à l'origine de certains cancers ?
L'étude de ces cellules souches constitue un enjeu médical majeur. Pour la première fois, l'équipe de Jean-René Huynh de l'Institut Jacques Monod (CNRS/Université Paris Diderot), installée aujourd'hui au laboratoire "génétique du développement et cancer" (Institut Curie/CNRS/UPMC/Inserm) est parvenue à filmer, in vivo, l'asymétrie de la division cellulaire dans des cellules souches germinales chez la drosophile: une nouvelle étape franchie vers la compréhension du comportement des cellules souches, publiée dans le numéro de juin 2009 de Nature Cell Biology.
Parce qu'elles peuvent produire n'importe quel type cellulaire dans les organismes supérieurs, les cellules souches constituent un centre d'intérêt crucial. D'une part, ces cellules non spécialisées se multiplient à l'identique. D'autre part, elles sont capables de produire un ou plusieurs types cellulaires spécialisés de l'organisme: gamètes, peau, foie, etc. Dans ce contexte, l'équipe du chercheur CNRS Jean-René Huynh tente de comprendre cette capacité régénératrice. Comment ces cellules souches, en se divisant un très grand nombre de fois, parviennent-elles à maintenir leur taux de croissance et leur taille tout en produisant des cellules filles capables de se spécialiser et de former les différents organes ?
Jean-René Huynh et son équipe ont travaillé sur des cellules souches de lignée germinale (1) de drosophile, un insecte modèle du fait de sa simplicité, sa rapidité et sa génétique. Pour la première fois, ils ont "filmé" in vivo (grâce à des étiquettes fluorescentes) des cellules souches germinales en division dans leur environnement cellulaire. Chez les vertébrés, jusqu'à présent, il n'est pas possible d'obtenir une résolution cellulaire in vivo et les études portent le plus souvent sur des populations cellulaires.
Les chercheurs ont identifié un nouveau gène, baptisé wicked, requis pour la croissance et la prolifération de ces cellules souches. En caractérisant la fonction biochimique de la protéine codée par le gène wicked (désignée protéine Wicked) les chercheurs ont montré qu'elle sert à fabriquer des ribosomes (2), nécessaires à la production de protéines et à la croissance cellulaire. C'est en filmant in vivo les cellules souches germinales qu'ils ont vu que la protéine Wicked se localisait de manière asymétrique. A l'issue de la division, il y a plus de protéines Wicked dans la cellule souche que dans l'autre cellule fille destinée à se différencier, laquelle se différenciera en gamète.
Par ailleurs, l'équipe a prouvé que ce phénomène de localisation asymétrique n'est pas unique à la lignée germinale. En effet, les cellules souches neurales, donnant naissance aux milliers de neurones du cerveau adulte, accumulent aussi préférentiellement la protéine Wicked.
Lorsqu'elles sont mutantes pour wicked, ces cellules souches neurales deviennent plus petites et produisent moins de neurones.
Les résultats de l'équipe révèlent qu'une accumulation préférentielle de la machinerie de biogenèse des ribosomes (liée à l'accumulation de la protéine Wicked), est un mécanisme possible permettant la croissance cellulaire asymétrique. L'adaptation d'un processus cellulaire ordinaire explique donc en partie les capacités extraordinaires des cellules souches.
Une meilleure compréhension de la biologie fondamentale des cellules souches permet d'envisager leur utilisation en médecine régénérative, pour réparer des tissus malformés, endommagés ou simplement vieillissant. Par ailleurs, en comprenant la régulation de la prolifération des cellules souches, les scientifiques pourraient expliquer l'origine de certains cancers, résistants aux traitements classiques, lorsque leur capacité proliférative est dérégulée.
Notes:
(1) Les cellules souches germinales sont les cellules destinées à proliférer et à se différencier en gamètes.
(2) Les ribosomes sont des molécules ribonucléoprotéiques qui, dans les cellules, interviennent dans la synthèse des protéines en décodant l'information contenue dans l'ARN messager.
Source: CNRS