Passés les premiers jours de crainte, les familles algériennes ont fini par prendre plaisir à se rendre aux multiples spectacles du festival panafricain. Chaque soir, ce sont de belles retrouvailles avec des musiques et des danses venues d’ailleurs ou tout simplement issues du terroir. Rarement vu depuis une vingtaine d’années. La société algérienne revient peu à peu à la vie après la descente aux enfers dans laquelle l’a plongée l’intégrisme religieux. La clarté de la culture finit toujours par balayer les ténèbres ! Lorsque le parti FIS, début des années 1990, avait débuté son ascension, sa première cible fut la musique. Puis toutes les autres formes d’expression artistiques durent se soumettre à la loi du glaive. Les groupes terroristes achevèrent la besogne en s’attaquant physiquement aux artistes et aux intellectuels. L’exil fut le choix d’un grand nombre, les autres contraints, dans le désespoir, d’abandonner leur métier ou leur passion. Seul le folklore de bas étage subsista avec le soutien complice des pouvoirs politiques en perpétuelle compromission avec l’islamisme politique et à l’aise dans le conservatisme ambiant.
L’ultime victoire des intégristes fut l’abandon quasi institutionnalisé par l’Etat de la culture, secteur constamment bon dernier dans les différentes lois de finances et cela au moment même où la jeunesse subissait la déculturation, le désœuvrement et la perte totale de repères et de valeurs. Lorsqu’il arrive aux décideurs de lorgner la culture et de desserrer les cordons de la bourse, c’est davantage pour crédibiliser le régime politique aux yeux de l’extérieur. C’est ainsi que virent le jour « L’année de l’Algérie en France » et « Alger, capitale de la culture arabe », événements tout de même salués par les citoyens et les professionnels tant ils permirent de semer quelques graines de culture. Le festival panafricain n’échappe pas à cette logique. Mais n’est-ce pas le moment pour les gouvernants de comprendre que la culture ne peut être intrumentalisée : qu’elle soit étranglée pour plaire aux islamistes ou libérée pour accéder à la respectabilité et se donner bonne conscience ? La culture est aussi vitale que l’eau, aussi bénéfique que le pain, aussi libératrice que les fusils du 1er Novembre. Tant qu’elle en est privée, l’Algérie restera en marge de la modernité et traînera comme un boulet son sous-développement civilisationnel.
Par Ali Bahmane
El Watan