La myopie en forte progression
Jean-Luc Nothias
Les deux principales causes de la myopie, outre l'âge, sont l'hérédité et les facteurs environnementaux.
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La proportion de myopes est passée de 25 % à presque 42 % en 30 ans aux États-Unis. La myopie reste en grande partie un mystère. On sait la mesurer, la
corriger, l'opérer, on connaît la «mécanique» du dérèglement optique de
l'œil, mais on en connaît encore très mal l'origine et les causes. Une
récente étude est de ce point de vue assez inquiétante : des chercheurs
américains viennent ainsi de constater que le taux de myopes était
passé, dans la population américaine de quelque 25 % au début des
années 1970 à presque 42 % au début des années 2000 (
Archives of Ophtalmology, décembre 2009). Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont utilisé les données collectées lors d'enquêtes nationales de santé. Celle de 1971-1972 portait sur plus de 5 000 personnes âgées de 12 à 54 ans, celle de 1999 à 2004 englobait près de 10 000 personnes. Les données recueillies récemment reposent sur les mêmes critères que ceux utilisés au début des années 1970 concernant la myopie. Il y avait alors 25 % de myopes et, trente-trois ans plus tard, ils sont 41,6 %. Les Noirs (passés de 13 % à 33,5 %) comme les Blancs (passés de 26,3 % à 43 %) ont subi la même évolution. La myopie est un défaut de l'œil qui conduit les images à se former, non pas sur la rétine, mais en avant d'elle. L'œil
peut être comparé à une caméra : la cornée en est la vitre extérieure,
la pupille le diaphragme, le cristallin est son zoom et la rétine la
pellicule réceptrice. Un œil myope n'arrive plus à former des images
nettes sur la rétine pour des objets éloignés. Le rapprochement de
l'objet permet à son image de se former sur la rétine. Un myope voit
donc bien de près mais flou de loin.
Un meilleur diagnostic En France, on estime que 39 % de la population souffre de myopie à divers degrés. Mais ce n'est qu'une estimation basée sur les chiffres du
Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof) à travers leur
pratique. On retrouve des chiffres du même ordre un peu partout dans le
monde. Avec des différences entre les territoires ruraux et les territoires urbains et également en fonction du niveau de développement des pays. S'il est sûr que l'on diagnostique mieux les différents troubles de la vision aujourd'hui qu'il y a trente ans, et que leur prise en charge est plus efficace, les causes de l'augmentation importante du nombre de personnes atteintes de myopie restent très controversées. C'est pourquoi les chercheurs américains concluent leur étude par un appel à la recherche : «Identifier les
facteurs de risque responsable de l'accroissement du nombre de myopes
pourrait permettre de mettre en place des stratégies peu coûteuses de
lutte.» On estime que les causes de la myopie sont multifactorielles.
Les deux principaux éléments, outre l'âge, sont l'hérédité et les
facteurs environnementaux. Il est ainsi prouvé que certaines myopies
sévères et, dans une certaine mesure la myopie en général, sont liées à
la génétique. Naître dans une famille sans myope expose moins au risque de le devenir. Dans le cas contraire, le risque est singulièrement accru. Certaines formes d'œil prédisposeraient à cette anomalie. Mais on sait aussi, sans pouvoir le quantifier exactement, que l'alimentation, les habitudes de vie, le lieu de résidence, le niveau culturel, le nombre d'années d'études, l'utilisation fréquente d'écrans d'ordinateurs ou de télévision par exemple, jouent un rôle dans l'évolution, si ce n'est dans l'apparition de la myopie. La fréquence d'utilisation de la vision de près pourrait aussi être un facteur favorisant la myopie mais de nombreuses autres théories s'affrontent comme celle de l'exposition lumineuse dans
l'enfance. «Ces résultats américains sont très intéressants et on
constate la même chose ici, confirme une ophtalmologiste parisienne.
Nul doute que notre mode de vie moderne doit favoriser les myopies. Et
sans doute accélérer leur apparition. Mais il est encore impossible de
quantifier précisément quel facteur est le plus important. Et c'est
dommage.»
LE FIGARO