Climat : Copenhague
s'achève sur un échec
Feuilles éparpillées au sol de la salle de presse du sommet.
La
Conférence sur le climat a «pris acte», sans l'entériner, de l'accord
minimal obtenu par la France et les Etats-Unis, mais non reconnu par
l'ensemble des pays représentés. Pas
d'Organisation mondiale du climat ni d'objectifs chiffrés de réduction
des gaz à effet de serre : le sommet de Copenhague sur le climat est un
échec. Seule avancée, au terme de jours de négociations, un accord à
l'arraché annoncé vendredi soir par Nicolas Sarkozy et Barack Obama,
qui n'a pas été formellement adopté faute de consensus entre les pays,
mais dont la Conférence des Nations Unies a «pris acte». Vendredi soir, plusieurs chefs d'Etat de pays du Nord, donc Barack Obama et Nicolas Sarkozy, ont
annoncé la conclusion d'un accord minimaliste.
Longue d'à peine trois pages, cette déclaration politique, proposée par
26 pays industrialisés, dont la Chine, n'était pas à la hauteur des
ambitions du sommet. Elle se contente de confirmer l'objectif d'une
limitation à 2°C de la hausse des températures, sans fixer aucun seuil
à 2020 ou 2050, notamment dans la baisse des émissions de CO2, ni
instaurer d'Organisation mondiale de l'environnement, comme le
souhaitait l'Europe. L'accord politique prévoit
également, sans entrer dans le détail, la création d'un fonds spécial
et d'une enveloppe de 30 milliards de dollars à court terme (années
2010, 2011 et 2012), qui monterait ensuite à 100 milliards de dollars
d'ici à 2020, destinée en priorité aux pays les plus vulnérables. Barack
Obama avait salué un accord «significatif» et «sans précédent». Moins
positif, Nicolas Sarkozy avait quant à lui fait part de sa déception,
tout en estimant «positif» cet accord, «même s'il n'est pas parfait».
Selon les deux chefs d'Etat, l'un des points à retenir était le
consensus trouvé par les 192 pays qui participaient au sommet. «La
totalité de ces engagements chiffrés sera présentée au mois de
janvier», avait expliqué Nicolas Sarkozy.
Un accord annoncé trop vite Mais
les deux hommes ont sans doute parlé un peu trop vite d'un accord :
dans la nuit, nombre de déclarations sont venues démentir ce consensus.
A la tête de la contestation, le petit archipel de Tuvalu, dont
l'existence même est mise en danger par le réchauffement climatique, et
qui estime que cet accord est «une poignée de petite monnaie pour
trahir notre peuple et notre avenir». La
Bolivie a critiqué «les méthodes employées» pour obtenir cet accord,
estimant que le premier ministre danois Lars Loekke Rasmussen,
président de la conférence, avait «fait obstacle à la démocratie et à
la transparence». La déléguée du Venezuela l'a quant à elle accusé
d'avoir «conduit un coup d'état contre les Nations unies». Cuba
s'en est pris à Barack Obama, accusé de «s'être conduit comme un
empereur et d'avoir «annoncé un accord qui n'existe pas». De fait,
contrairement aux annonces des pays du Nord, les 193 pays participant à
la conférence n'ont pas approuvé la proposition. C'est du
Soudan, représentant l'Afrique, qu'est venu l'attaque la plus violente.
Son délégué, Lumumba Stanislas Dia-Ping, a estimé que l'accord proposé
«appelle l'Afrique à signer un pacte suicidaire». «C'est une solution
fondée sur des valeurs qui ont envoyé six millions de personnes dans
les fours en Europe», a-t-il poursuivi, sous les protestations des
délégués européens et américains.
Confusion sur la fin du sommet Principal
grief du Sud : les conditions dans lesquelles cet accord a été trouvé.
Le Nord aurait négocié en secret, en contradiction avec les règles des
Nations Unies, où le multilatéralisme prévaut. «Il s'agit d'un accord
politique entre chefs d'Etat, pas d'un contrat, par lequel les
dirigeants ont tenté de relancer la machine», reconnaissait dans la
nuit Jean-Louis Borloo. Mais ces décisions doivent être
transformées en «décisions de la conférence» pour être rendues
«opérationnelles», a rappelé samedi à l'aube, en séance plénière, le
ministre britannique de l'Environnement Ed Miliband. Faute de
consensus, samedi matin, la conférence des Nations unies a «pris acte»
de l'Accord de Copenhague. Un geste qui, selon Alden Meyer, directeur
de l'
Union of concerned scientists,
«donne un statut légal suffisant pour rendre l'accord opérationnel sans
avoir besoin de l'approbation des parties». Cette validation constitue
une première «étape essentielle», a estimé le secrétaire général de
l'ONU Ban Ki-moon. Associations et écologistes sont consternés.
Pascal Husting, directeur de Greenpeace France, a dénoncé un
«désastre», et un «recul» par rapport à Kyoto, avec un projet d'accord
ayant «la substance d'une brochure touristique». Nicolas Hulot a jugé
«affligeant» et «consternant» le résultat de la conférence. «Garder
l'espoir, ça va devenir un acte de bravoure», a-t-il lancé sur France
Info samedi matin. Pour la plupart des participants, il faut
maintenant attendre l'an prochain et une nouvelle conférence, à Mexico,
pour espérer faire avancer la lutte contre le réchauffement.
LE FIGARO