DÉBAT SUR L’IDENTITÉ NATIONALE
Morceaux choisisSans commentaire aucun, nous reproduisons dans ce qui
suit, ce que nous avons eu à relever de déclarations officielles
relatives au débat français sur l’identité nationale, émanant de
personnalités du pouvoir en place, de partis politiques de droite comme
de gauche ou de la société civile… Une panoplie de déclarations bien
réfléchies, ou au contraire qui sortent spontanément des tripes, et ce
sont ces déclarations-là qui sont souvent révélatrices des convictions
profondes de ceux qui les émettent.
Le choix opéré parmi les centaines
de déclarations est forcément arbitraire, mais nous avons décidé de
reproduire celles des personnalités les plus représentatives des
courants qu’elles portent et celles que connaissent, de par leur
réputation, nos lecteurs. La constatation qui s’impose à la lecture des
ces propos est que ce débat se résume à l’équation suivante : identité
nationale-immigration-musulmans, et ce, même chez certains qui utilisent
l’artifice du langage pour légitimer ce débat et contribuer à préparer
pour les mois prochains les mesures déjà dans les tiroirs. L’on parle
même aujourd’hui dans l’Hexagone, et c’est une nouvelle frontière
franchie, de retour sur la double nationalité. Ce discours n’est plus
porté par l’extrême droite seule. Face à cette atmosphère aux relents
souvent racistes, il existe fort heureusement, des résistants dans
l’élite et qui se font entendre, mais aussi chez le petit peuple
français qui ne se fait pas prendre au piège de ce débat populiste.
Propos sélectionnés par Khadidja Baba-Ahmed,
bureau du Soir à Paris. Nicolas Sarkozy, chef de l’Etat français :
«Au lieu de condamner sans appel le peuple suisse, essayons aussi de
comprendre ce qu’il a voulu exprimer et ce que ressentent tant de
peuples en Europe, y compris le peuple français… Je m’adresse à mes
compatriotes musulmans pour leur dire que je ferai tout pour qu’ils se
sentent des citoyens comme les autres… Mais je veux leur dire aussi que,
dans notre pays, où la civilisation chrétienne a laissé une trace
profonde, où les valeurs de la République sont partie intégrante de
notre identité nationale, tout ce qui pourrait apparaître comme un défi
à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l’échec de l’instauration
si nécessaire d’un Islam de France…»
François Fillon, Premier ministre : «Le débat sur l’identité
nationale n’est pas de circonstance, c’est un débat complexe et
passionnant … Qu’est-ce q u’être Français ? Il n’y a pas de réponse
unique , mais il existe des lignes de force qui nous rassemblent… Ce qui
doit être combattu, c’est l’intégrisme, mais surtout pas les musulmans …
Il n’y a rien de choquant à dire ensemble qu’il est normal que ceux-là
même qui sont venus dans notre pays s’approprient l’héritage du pays des
droits de l’homme.»
Eric Besson, ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale : «Une partie des Français s'interrogea sur une question simple: est-ce
que l'Islam est compatible avec la République et la démocratie ? Ce
débat devra permettre de valoriser l’apport de l’immigration à
l’identité nationale et de proposer des actions permettant de mieux
faire partager les valeurs de l’identité nationale à chaque étape du
parcours d’intégration… Je pense, par exemple, qu’il serait bon que tous
les jeunes français aient une fois dans l’année l’occasion de chanter la
Marseillaise.»
Henri Guaino, conseiller spécial du Président : «Dire que
l’immigration ou la question religieuse n’ont rien à voir avec le crise
identitaire qui mine toute l’Europe serait absurde… Comment allons-nous
résoudre le problème qui nous est posé par des jeunes nés en France qui,
pour la première fois dans notre histoire, définissent leur identité par
opposition à l’identité française… ?»
Christian Estrosi, ministre chargé de l’Industrie et maire de Nice : «Si à la veille du second conflit mondial, dans un temps où la crise
économique envahissait tout, le peuple allemand avait entrepris de
s'interroger sur ce qui fonde réellement l'identité allemande, héritière
des Lumières, patrie de Goethe et du romantisme, alors peut-être
aurions-nous évité l'atroce et douloureux naufrage de la civilisation
européenne.»
Frédéric Lefebre, porte-parole de l’UMP (parti au pouvoir) : «La
défense de notre modèle culturel et de la douce France chantée par
Trenet passe par la redéfinition de notre identité nationale.»
Claude Goasquen, député UMP : «C’est un véritable problème, l’Islam
et les mosquées… il s’agit de prendre conscience de cette communauté.
Comment elle-même doit-elle évoluer ? Comment les Français peuvent-ils
évoluer avec elle ?»
Nadine Morano, secrétaire d’Etat à la famille : «Moi, ce que je veux
du jeune musulman quand il est Français, c'est qu'il aime son pays,
c'est qu'il trouve un travail, c'est qu'il ne parle pas le verlan, qu'il
ne mette pas sa casquette à l'envers.»
Dominique de Villepin, ancien Premier ministre : «Le débat sur
l’identité nationale ne peut pas être isolé du contexte dans lequel il
est lancé et de la personne qui l’a lancé, le ministre de l’Identité
nationale et de l’Immigration… Cela suffit à mon sens à fausser le
débat, à encoder l'idée que la question de l'identité nationale serait
liée à la question de l'immigration», explique l'ancien diplomate, en
ajoutant : «Cela conduit donc à un débat piégé d'avance.» L'organisation
de ce débat «à quelques encablures des élections régionales lui donne
une arrière-pensée, une connotation politicienne, qui n'est pas à la
mesure de l'enjeu.»
Andre Valentin, député UMP : «Il est temps qu’on réagisse parce
qu’on va se faire bouffer… il y a déjà 10 millions ( immigrés, ndlr), 10
millions que l’on paie à rien foutre.»
François Baroin, député UMP : «Le débat sur l’identité nationale
lancé à quelques encablures des régionales, c’est gros comme un
hippopotame dans une mare asséchée… Etre français aujourd’hui c’est tout
simplement respecter l’esprit de la Constitution et les lois de la
République et des principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de
laïcité.»
Jean-Pierre Raffarin, sénateur UMP, ancien Premier ministre : «La
question de l’identité, ça ne peut pas être une réflexion de comptoir…
notre identité est métissée, il faut bien aujourd’hui l’admettre, c’est
une réalité… et d’autre part, il ne faut pas mettre les élections
régionales dans ce débat.»
Yazid Sabeg, commissaire à la diversité et à l’égalité des chances : «Je suis mal à l’aise (par ce débat) et c’est mon rôle d’avertir. Ce
débat échappe à tout contrôle, peut aggraver les fractures et donne à
beaucoup de Français, les français de confession musulmane, le sentiment
d’être une fois de plus marginalisés… c’est devenu un déversoir et un
défouloir.»
Marine le Pen, députée européenne, vice-présidente du FN : «Peut-on
continuer à laisser entrer de manière massive une immigration qui, par
sa culture et son nombre, dissout notre identité nationale ? Les
sifflets de la Marseillaise au Stade de France par des porteurs de carte
d’identité nationale, les émeutes des banlieues de 2005, le climat dans
les écoles qui interdit l’étude de certains sujets, la question du voile
puis maintenant de la burqa, les mariages forcés ou les crimes
d’honneur, les ratonnades anti- Blancs au cœur de Paris, la
ghettoïsation voire la purification ethnique de fait de certains
quartiers, de certaines écoles ou même de certains sports, la
généralisation effarante et l’escalade des revendications
communautaristes sont autant d’alertes qu’il serait irresponsable de ne
pas analyser ou de ne pas traiter. »
Remi Carillon, FN, propose 3 référendums : «Pour le droit du sol ou
pour le droit du sang ?» Peut-on, oui ou non, avoir une seconde
nationalité ? Un étranger naturalisé français doit-il être déchu de la
nationalité française s’il commet un crime ou un délit ?»
Pierre Laurent, coordonateur national du PCF : «Une démarche du
petit ministre des sales besognes de Nicolas Sarkozy … A quand les
meetings de l'UMP où l'on entonnera Maréchal nous voilà ? La limite du
supportable est dépassée. Il faut s'unir d'urgence pour faire stopper
cette inquiétante dérive.»
Martine Aubry, première secrétaire du Parti socialiste : «On veut
opposer identité nationale à immigration, comme si aujourd’hui le
problème de l’identité c’était les immigrés. Ce débat a un côté malsain
, extrêmement dangereux. Nous pensons que l’identité de la France n’est
pas ethnique , pas religieuse, pas culturelle… c’est l’appartenance à
des valeurs communes ».
Benoît Hamon, porte-parole du PS : «Exploiter cette question de
l’identité nationale sur le dos de celles et ceux qui sont les victimes
de politiques antisociales, de remise en cause des droits, d’abandon des
territoires, je trouve ca objectivement assez indigne».
Arnaud Montebourg, député socialiste : «Le pouvoir a piétiné les
principes de la laïcité, exaltant le prêtre contre l’instituteur.»
Jean-Luc Melenchon, président du Parti de gauche : «C’est quoi être
Français ? Etre Français c’est avoir une carte d’identité française et
les droits qui vont avec, point. Celui qui l’a, l’est. Celui qui ne l’a
pas, ne l’est pas. Né sur le sol de France : Français. C’était comme ça
depuis l’édit de Villiers–Cotterêts et le roi François 1er. Puis Pasqua
et Sarkozy en ont beaucoup retiré. Mais la règle générale reste. C’est
le droit du sol… la France est une nation politique. Une construction
politique en cours, permanente.»
Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts : «L’identité
nationale, c’est savoir comment on vit ensemble avec nos ressemblances
bien qu’on ait des différences.»
Daniel Cohn-Bendit, eurodéputé, président groupe Verts : «Moi je dis
que tout débat qui cherche à sanctifier une identité veut exclure… le
fascisme, c’est l’exclusion. On peut exclure à un moment historique les
juifs. Maintenant, c’est les musulmans. Il y a actuellement une
tentation fascisante, une tentation de l’extrême, de repousser, de
mettre dehors : c’est ça qui a été la définition première du
national-socialisme ».
Jean-Yves Camus, chercheur à IRIS : «Il faut que le gouvernement
ait le courage — ou l’inconscience — politique de le dire clairement
s’il pense que l’Islam va à l’encontre des valeurs de notre pays. Tout
le monde sent bien que c’est la question qui sous-tend le débat actuel.
La preuve : les dérapages verbaux qui émaillent les discussions sur
l’identité nationale.»
K.-B. A.
Appel de chercheurs contre ce rapt nationaliste de l’idée de
nation
«Nous sommes ainsi appelés à devenir coauteurs et coresponsables du
contrôle identitaire sur la France. Nous ne pouvons pas accepter que le
regard inquisiteur d’un pouvoir identitaire puisse planer, en
s’autorisant de nous, sur la vie et les gestes de chacun… C’est pourquoi
il est temps aujourd’hui de réaffirmer publiquement, contre ce rapt
nationaliste de l’idée de nation, les idéaux universalistes qui sont au
fondement de notre République. Nous appelons donc les habitants, les
associations, les partis et les candidats aux futures élections à exiger
avec nous la suppression de ce ministère de l’Identité nationale et de
l’Immigration, car il met en danger la démocratie.»
LE SOIR D'ALGéRIE