À mon âge, je me cache encore pour fumer Rêves et désarrois de femmes algériennes A
mon âge, je me cache encore pour fumer, est le titre d’une pièce de
théâtre qui raconte les interdits de la société algérienne. Ses
travers, ses contradictions, ses années noires et les conditions
avilissantes des femmes qui vivent dans ce pays, qui a l’allure d’une
prison à ciel ouvert. Paris.
De notre correspondant La scène se passe dans un hammam sur les hauteurs d’Alger. Dans
l’intimité de cet espace protégé, éloigné des soubresauts de la vie
quotidienne, neuf bouts de femmes, de conditions sociales distinctes,
déroulent le fil de leur vie. Elles se racontent sans tabous.
Sexualité, amours désenchantés, rêves, Islam, traditions, préjugés et
poids sociaux, mariage, divorce, terrorisme ; tous les sujets sont
passés à la moulinette de ces dames aux visions et rêves contrariés.
Il y a d’abord Fatima, la plus âgée. C’est la patronne des lieux. Usée
par le travail domestique et par un mari qu’elle n’a jamais vraiment
aimé, elle n’hésite pas à briser l’optimisme de Samia, une jeune fille
de 29 ans qui travaille chez elle comme masseuse. Tout sépare les deux
femmes.
Rêveuse et naïve, Samia n’attend qu’une seule chose : trouver un mari
et quitter au plus vite le domicile familial devenu geôle. Samia, en
réalité, n’est que l’exemple des centaines de milliers de filles
algériennes confrontées aux affres du célibat forcé. Leur seul salut
réside dans le mariage, quitte à ce qu’il soit sans amour ni
consentement. Pour atteindre cet objectif, Samia, contrairement à la
majorité des autres clientes du hammam, ne tarit pas d’éloges sur les
hommes. Elles les trouvent tous beaux, gentils, attentionnés,
respectueux et serviables. Ce qui suscite bien évidemment le courroux
de la patronne du hammam, qui pense le contraire, au regard notamment
de sa longue expérience d’un mariage raté.
Violence politique et sociale dans une Algérie corrompue et machisteIl y a aussi Latifa. Devenue femme malgré elle, elle évoque, avec
tristesse et affliction, son mariage à l’âge de dix ans. Union forcée
et voulue par son père avec un homme qui la dépasse de 50 ans. Sa nuit
de noces ne fut que larmes et sang. Elle, toute petite, jouant encore à
la poupée, se retrouvant soudain enfermée, sans savoir pourquoi, dans
une chambre en compagnie d’un vieil homme, dont les traits tirés et
usés de son corps, tranchent avec la peau fraîche et frêle d’une gamine
qui n’a même pas atteint l’âge de la puberté. Que pouvait-elle faire
face à ce destin tragique ? Aurait-elle pu opposer une résistance ?
Non. Aucune fuite n’est permise. Les larmes chaudes versées sur
l’oreiller de son enfance n’ont pas dissuadé ce vieil homme de
« voler » sa virginité sous les cris des autres adultes, postés
derrière la porte de la chambre l’encourageant tels des sauvages, à
vite conclure. Et dire que tout cela est légal au regard de la loi
algérienne et de la religion musulmane qui donnent tous les droits à
l’homme en laissant la femme mineure à vie, sans mot à dire...
C’est la loi de la vie, rétorque Zaya, une intégriste qui défend les
thèses islamistes. Son frère est terroriste. Insensible aux souffrances
de toutes les victimes de l’intégrisme, Zaya se met à défendre les
islamistes, l’instauration d’une république islamique en Algérie,
l’obligation de porter un voile et de se conformer totalement au livre
de Dieu. Pour influencer son assistance, Zaya se réfère à des
« sourates » ou des « hadiths », sortis de leurs contextes, exactement
comme font les islamistes.
Créée et écrite par Rayhana, comédienne et actrice née à Bab El Oued et
mise en scène par Fabian Chapuis, À mon âge, je me cache encore pour
fumer, révèle finalement les destins particuliers des femmes à travers
des histoires qui ont marqué leur chair. La pièce montre au grand jour
la violence politique, sociale, sexuelle d’une Algérie en proie à la
corruption, à la misère et au machisme des hommes et de l’Etat
Maison des Métallos, Paris jusqu’au 16 janvier 2010 Par [url=mailto://]Yacine Farah[/url]EL WATAN