Le profiling débarque dans les aéroports français Jean-Marc Leclerc
Contrôles de sécurité avant l'embarquement dans l'aérogare d'Orly Sud.
Crédits photo : Le Figaro
Les
passagers vont être scrutés à la loupe. Au moindre signe de nervosité,
ils seront soumis à des questions pièges des agents de sûreté. Profiling
ou profilage : «Technique policière qui consiste à dresser le profil
psychologique d'un criminel récidiviste inconnu », dit
Le Petit Robert. Le mot est américain. La méthode fait fureur en Israël. Adaptée à la lutte antiterroriste, elle intéresse
au plus haut point les autorités en Francedepuis l'attentat manqué contre le vol 253, le 25 décembre dernier. Le
secrétaire d'État aux Transports annonce ainsi que cette nouvelle façon
de travailler va s'étendre à l'ensemble des contrôles français,
nécessitant d' «améliorer les efforts de formation de toutes les
équipes» . Et Dominique Bussereau d'ajouter : «Il y a certainement une
meilleure analyse comportementale des gens à avoir». Comme si un
kamikaze pouvait se détecter à l'œil nu.
• Un contrôle par des privésLe système français de sûreté des aéroports demeurera sous-traité
par des agents de sociétés sous contrat, comme Securitas ou d'autres
grandes enseignes. L'État n'a plus les moyens de tout faire. Il faut
bien reconnaître que le passager n'a plus que très rarement le contact
avec l'agent de police ou le douanier dans les aérogares. «Le
fonctionnaire qui vérifie les passeports derrière sa vitre en verre est
bien souvent un simple stagiaire», confie, embarrassé, un expert de la
plate-forme de Roissy. Déjà 10 500 agents privés travaillent dans les
aéroports et les acteurs du secteur promettent d'en mettre davantage.
Tous soumis, comme aujourd'hui, au double agrément du préfet et du
procureur.
La police aux frontières (PAF), la gendarmerie et les douanes sont
censées surveiller leur travail. Les hauts responsables du ministère de
l'Intérieur savent aussi que ces personnels ont été recrutés dans un
contexte de politique d'intégration et de lutte contre le chômage en
direction d'une frange de la population issue principalement de la
Seine-Saint-Denis, le département de Roissy. Des emplois financés par
l'augmentation de la taxe d'aéroport. «Il y aura un gros besoin de mise
à niveau des agents, vu les nouvelles exigences», assure un consultant
en sûreté aérienne. Les fonctionnaires d'État devront, en tout état de
cause, veiller à la bonne application de la nouvelle doctrine :
concentrer les recherches sur la personne au lieu de s'intéresser en
priorité aux objets dangereux qu'elle est susceptible de transporter,
comme cela se pratique aujourd'hui.
• Un questionnaire draconienIl s'agira d'un contrôle au faciès. Inévitablement. Il commencera
dès que le passager entrera dans l'aérogare, surtout dans les files
d'attente à l'embarquement. Le passager a l'air nerveux, s'agite, reste
trop longtemps aux toilettes ? Il devient suspect. Autant dire qu'il
faudra une certaine dose de psychologie à l'agent. Or le risque est de
le voir appliquer à la lettre des consignes mal assimilées, avec tous
les incidents que cela peut entraîner. «Pour le coup, il y aura de la
nervosité», ironise un commissaire de police. Car dès qu'un passager
aura l'air louche, il aura droit à un «questionnement» en règle. «Des
questions posées dans un certain ordre, pour recouper les réponses et
déceler les éventuelles incohérences», s'empresse de préciser le
directeur de l'activité aéroportuaire d'un grand groupe de sécurité.
• Une fouille en règleUn haut fonctionnaire Place Beauvau le dit : «Au-delà de la
formation des jeunes agents privés, c'est au public qu'il faudra
demander de jouer le jeu». Là est, selon lui, le «vrai défi».