Se coucher tard favoriserait la dépression chez les ados
Jean-Luc Nothias
Selon une étude américaine, le risque est de 24 % supérieur chez ceux qui se couchent après minuit. Bien
dormir au bon moment est l'une des clés d'une bonne santé et d'une
bonne activité. A contrario, un sommeil déphasé ou insuffisant peut
mener à de nombreux troubles qui vont des migraines au surpoids et au
diabète en passant par d'importantes somnolences en cours de journée ou
a des insomnies. C'est particulièrement vrai pour les adolescents. Une
étude menée aux États-Unis, et publiée récemment dans la revue Sleep,
démontre même que des heures de coucher trop tardives peuvent induire
de la dépression et des tendances suicidaires. Menée à la
Columbia University de New York,
l'étude a porté sur 15 659 adolescents, entre 1994 et 1996. Près de
54 % des parents indiquaient que leurs enfants allaient se coucher à
22 heures en semaine, 21 % à 23 heures et 25 % à minuit ou au-delà.
Pour leur part, 70 % des adolescents déclaraient aller au lit à l'heure
voulue par leurs parents. Le temps moyen de sommeil calculé à
partir des renseignements recueillis par les chercheurs américains
était de 7 heures et 53 minutes. Un peu loin des 9 heures recommandées
couramment. Les jeunes qui se couchaient le plus tôt étaient aussi ceux
qui dormaient le plus longtemps. Ceux qui se mettaient au lit à
23 heures dormaient 33 minutes de moins en moyenne et les adeptes de
minuit «perdaient» 40 minutes de sommeil. Surtout, une
corrélation est apparue avec les états dépressifs et suicidaires. «Nos
résultats montrent clairement qu'un sommeil aux horaires inadaptés est
un facteur de risque pour la dépression, même si ce n'est pas le seul»,
affirme ainsi James Gangwisch, auteur principal de l'étude. Sur
l'ensemble des adolescents impliqués dans l'étude, plus de 1 000
souffraient d'un état dépressif et plus de 2 000 avaient des envies
suicidaires. En croisant ces données avec les heures de coucher,
les chercheurs ont constaté que le risque de subir un état dépressif
était de 24 % supérieur chez les enfants se couchant après minuit. Le
surcroît de risque était de 20 % pour les pensées suicidaires. Un
autre facteur intervient également : la perception de la durée du
sommeil et la «satisfaction» apportée. Ainsi, les adolescents disant ne
dormir que 5 heures ou moins étaient à 70 % plus exposés aux états
dépressifs que les autres et à 48 % pour ce qui est des pensées
suicidaires. «C'est pourquoi nous pensons que la qualité du sommeil
pourrait être une mesure, parmi d'autres, de prévention de la
dépression chez l'adolescent», estime James Gangwisch. Un
constat qui rejoint en partie celui établi en France. Une étude menée
en 2007-2008 par le rectorat de Paris et la Caisse primaire
d'assurance-maladie sur près de 8 000 collégiens a montré que 82 % des
élèves de 3e se couchent après 22 heures. Mais un quart des filles et
près d'un tiers des garçons vont au lit après minuit. D'où la
mise en garde émise par le docteur Jean-Pierre Giordanella, responsable
prévention à la CPAM de Paris : «À l'adolescence, la durée minimum de
sommeil doit se situer entre 8 et 9 heures, et l'heure limite de
coucher ne devrait pas dépasser 22 heures.» Cette recommandation
devient très souvent un combat quotidien pour les parents dont les
enfants sont confrontés aux «tentations» des divertissements modernes.
En particuliers les écrans, qu'ils soient d'ordinateurs, de lecteurs
DVD, de jeux vidéo ou de téléphones portables. Mais l'enjeu est de
taille. Tous les spécialistes le disent : c'est dans l'enfance et
l'adolescence que se forgent les bonnes habitudes et l'«hygiène» future
du sommeil.