Les non-dits...
Les
premiers dossiers du scandale Sonatrach sont déjà entre les mains du
juge d’instruction près le tribunal de Sidi M’hamed, comme l’a rapporté
notre journal dans son édition d’hier, et toujours rien sur cette grave
affaire de corruption dans nos médias lourds, alors que le pot aux
roses a été découvert il y a plus d’une quinzaine de jours. La
Télévision nationale, qui a pour obligation de tenir informés les
Algériens, continue d’observer un silence indécent qui frise le mépris
des téléspectateurs sur les convulsions qui agitent le fleuron de notre
industrie pétrolière (ou ce qu’il en reste). On se demande s’il y a
vraiment coordination entre le pouvoir politique et ses relais de
communication, si tant est que c’est une institution d’Etat, en
l’occurrence le DRS, qui a lancé cette opération dite « mains propres »
même si ce terme ne convient pas tellement au ministre de l’Energie et
des Mines, Chakib Khelil.
Au demeurant, ce dernier, qui se trouve au centre d’une tempête en
sa qualité de premier responsable du secteur, affiche, depuis que le
nom de Sonatrach fait la une des journaux, un profil plutôt bas en
essayant d’abord de minimiser les faits et en reniant par la suite
carrément la terminologie « scandale ». Chakib Khelil poussera le
bouchon encore plus loin en accusant la presse de vouloir se substituer
à la justice, alors que plusieurs hauts cadres de la société
pétrolière, et non des moindres, soupçonnés de malversations, sont mis
en examen, sous contrôle judiciaire (pour son président) et sous mandat
de dépôt pour les autres. C’est dire qu’il ne sait pas trop où donner
de la tête au moment où l’opinion publique s’intéresse de plus en plus
à ce dossier explosif qui ressemble, par certains contours, à celui de
Khalifa.
Pour revenir au black-out de la télé, il est tout de même étrange de
constater que le Pouvoir ne lui a rien donné comme consigne pour
diffuser, même filtrées, des informations sur cette affaire alors que
d’aucuns pensent que le déclenchement de ce mouvement anticorruption
émane d’une volonté politique initiée par le président de la République
en personne, si l’on en croit les dires du Premier ministre, Ahmed
Ouyahia. D’habitude, le pouvoir politique laisse rarement le champ
libre aux spéculations, souvent extravagantes à ses yeux, en prenant à
son compte la communication qui sied le mieux à la prise en charge
médiatique de ce type de dossiers.
Pour ne pas trop heurter la sensibilité de l’opinion publique et
pour ne pas non plus se décrédibiliser lui-même quand le scandale s’est
déjà propagé, il s’arrange toujours pour trouver les formules idoines
pour faire passer la pilule.
Et le petit écran est tout désigné pour lui faire dire les choses dans
les limites de ce que le public doit consommer. Ni plus ni moins. Or,
dans le cas de Sonatrach, il y a comme un hiatus qui semble avoir pris
les décideurs de court et qui, évidemment, retombe sur le dos de
l’Unique. On a eu l’occasion d’assister au même phénomène de
« démission » de la paire Pouvoir-télé sur d’innombrables affaires de
corruption récentes – à l’image de celle de l’autoroute Est-Ouest – qui
ne sont traitées que par la presse indépendante. On le revit
actuellement avec le dossier Sonatrach qui, sans aucun doute, subira un
sort identique aux précédents.
Moralité : pourquoi faire tant de bruit si on ne veut pas que les
Algériens connaissent la vérité sur les agissements de tous les
prédateurs de l’économie nationale ? Qu’on le veuille ou pas, c’est
l’image de notre plus importante société industrielle qui en a pris un
coup à l’étranger. Lorsque la vitrine se fissure, à quoi bon s’appuyer
sur des non-dits qui ne resteront de toute façon jamais sans
conséquence ?...
Par Abderezak Meradel watan