LA DATE DU 19 MAI 1956 NE LEUR DIT RIEN
Des étudiants politiquement “hors-champ”
Par
: Mustapha Nouassa
Le mouvement estudiantin, qui avait fait les beaux jours de l’Université algérienne et de l’Algérie, se fait tout petit de nos jours. Des noms comme ceux de Abderahmane
Taleb, Ahmed Taleb El Ibrahimi, Abdeslam Belaïd, qui avaient rejoint la Révolution à l’appel du FLN, ne disent pas grand-chose aux étudiants qui fréquentent aujourd’hui les campus. Reportage.
Aujourd’hui, nous sommes le 19 mai 2010 et nous célébrons le 56e anniversaire de la naissance de ce mouvement et une question se pose d’elle-même : qu’en est-il du mouvement estudiantin en Algérie, s’il existe toujours ?
À vu d’œil, la nouvelle génération des étudiants est “apolitique” ; sa seule préoccupation est d’être à la “page”. Surnommée “Génération techtonite” ou “Parabole”, le seul souci des étudiants est d’être habillé à la mode, avoir le dernier portable et mordu de films et de
séries américaines. Est-ce que les étudiants d’aujourd’hui sont “sexe, alcool et house music”, ou ont-ils toujours les idéaux de leurs prédécesseurs ? Qu’offrent les mouvements estudiantins comme alternative à ces jeunes pour s’exprimer ? Étudiant et mouvement estudiantin sont a priori absents de la scène politique, bien que les associations des
étudiants soient au nombre de huit, à savoir Aren, LNEA, Onea, SNE, Onse, Ugel et l’Unea. Cependant, aucune de ces organisations ne mène des actions “coup-de-poing” pour changer les choses.
Des étudiants “hors-champ”
Devant un bureau à la faculté des sciences commerciales de Dély Ibrahim, une file d’étudiants s’allonge sur plusieurs mètres, attend leur tour pour faire des photocopies. Une
étudiante, assise sur un banc face au bureau, attend patiemment. À notre question sur le mouvement estudiantin, perplexe, elle répond : “Les mouvements quoi ?”, “Où peut-on faire des photocopies ?” “Toutes ces personnes vont faire des photocopies”, répond cette étudiante en 2e année de marketing.
Même son de cloche chez un groupe d’étudiants qui jouent aux cartes face au siège national de l’Ugel. Ce groupe d’amis, qui aiment jouer, se sont bien amusés avec la question : que représente le 19 mai pour eux ? L’un suggère tout en riant : “Ce n’est pas le jour d’anniversaire d’un voisin ?” L’autre renchérit : “Ce ne serait pas l’aïd des moudjahidine ?” Leur amie, tout en leur demandant un peu de sérieux, enchaîne : “Cela ne peut pas être cela, si elle est venue à la fac, la date a un rapport avec les étudiants.” Son camarade rebondit :
“Je crois connaître la bonne réponse, cela s’est déroulé durant la période coloniale. Je crois que les étudiants algériens sont sortis dans les rues pour contester le colonialisme.” Confirmant que ses propos étaient corrects, cette étudiante en première année de commerce était fière de lui. Le groupe d’amis ne connaissaient pas eux aussi ni l’Union nationale des étudiants algériens (Unea) ni un autre mouvement, mais ils savaient où faire les photocopies moins chères.
“Ces mouvements servent au moins à quelque chose, car nous avons perçu notre bourse avec sept mois de retard, et personne n’a rien dit”, a dénoncé une des filles du groupe. Sa copine précise qu’une kheïma était installée à l’intérieur de la fac par un étudiant où on vend du bon thé. À la fin, ces étudiants précisent qu’il ne faut pas leur en vouloir car ils sont
déconnectés de la vie et que les deux seules choses qui les préoccupent sont que “Chakib Khelil, ministre de l’Énergie et des Mines, qui a pris tout le pactole et qu’il ne leur a rien laissé et que Benbouzid, ministre de l’Éducation, leur a gâché leur avenir et qu’ils ne lui
pardonneront jamais”. À la question : connaissez-vous l’Unea et l’Union générale des étudiants libres (Ugel) ? Un étudiant en première année à la faculté Benyoucef-Benkhada, à Alger, répond : “Ceux qui font les photocopies à 3 DA, et si vous en avez beaucoup, ils vous font une réduction.” Cette réputation qui colle à la peau des mouvements des étudiants, l’Unea et l’Ugel s’en défendent. Le secrétaire général de l’Unea, Ibrahim Boulegane, indique qu’il a ordonné à tous les bureaux d’arrêter cette activité, tout en reconnaissant que le nom du mouvement est associé à celui des photocopies. “J’ai ordonné à tous les bureaux sur le territoire national d’arrêter le tirage des photocopies. Pour preuve, j’ai gelé les activités du bureau d’Aïn Defla car ils n’ont pas respecté cette instruction”, nous a déclaré le secrétaire général de l’Unea. Une petite virée à la faculté centrale, où nous avons rencontré des adhérents de l’Unea faire des photocopies payantes aux étudiants.
Même chose pour le secrétaire de l’Ugel.
M. N.