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 La prostitution, business à Oran

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Dulce
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Dulce


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Date d'inscription : 18/09/2007

La prostitution, business à Oran Empty
MessageSujet: La prostitution, business à Oran   La prostitution, business à Oran Icon_minitimeSam 14 Aoû - 16:55

Ces femmes qu’on appelle «filles de joie» se font appeler Zouzou,
Pamela, Sirena, Paulette et Haloum, des noms de guerre qui leur
permettent de monter au front sans aucun pincement au cœur.

Ces paravents ténus ne sont qu’un voile, des sobriquets, qui leur
permettent de garder un semblant d’anonymat dans un monde où tout se
sait, puisqu’on les taxe toutes de «Madame tout le monde», prêtes à se
livrer au plus offrant.

Et dans ces enchères de la chair, elles sont les perdantes, des loosers,
contraintes chaque jour à jouer à la roulette russe, en se gavant de
psychotropes, d’alcool et de drogue.

«Cela me permet d’oublier ma condition de femme-objet et de femme
soumise aux caprices de mon souteneur», affirme Haloum, une femme venue
d’une contrée lointaine, coincée entre Sig et Mascara, un petit lieu
qu’elle a fui alors qu’elle était encore jeune, quand le fruit d’une
relation incestueuse, forcée, a commencé à enfler dans ses entrailles.

Aujourd’hui entre deux clients, elle quitte la chambre qu’elle a louée
dans un hôtel miteux du bas Oran, pour aller quérir, dans un bouiboui ou
un bar de seconde zone, un troisième puis un quatrième puis… jusqu’à
n’en plus pouvoir.

Son travail, elle l’abat comme un forçat pour pouvoir payer sa chambre,
assurer sa pitance et donner le gros du pactole à son souteneur. «Il me
prend l’essentiel de ce que je gagne, mais il assure ma sécurité dans un
milieu où tout se paye cash et où la loi est toujours au plus fort»,
dira-t-elle.

Rencontrée sur un banc de la place d’Armes, le visage buriné par des
années de misère et un œil au beurre noir qu’elle traîne depuis une
bagarre qui l’avait opposée à une concurrente, elle n’a pas voulu se
confier et raconter ses misères.

«Je ne parle qu’aux potentiels clients. Si vous êtes intéressé
besmellah, sinon, mon temps est précieux», dira-t-elle durement avant de
changer de ton. Le regard perdu dans le vague.

Elle pestera contre les occasionnelles qui investissent le marché de la
chair fraîche. Elles ne savent rien au métier, mais fraîches, le visage
bariolé et court vêtues, elles ont les faveurs de la clientèle, malgré
les prix exorbitants qu’elles pratiquent.

«Vous, vous passerez une nuit avec une jeune fille, tout juste sortie de
l’adolescence pour 15 000 dinars ? C’est de la folie, si j’étais un
homme je n’accepterais jamais cela».

Sa guerre, elle la mène contre ces jeunes filles qui ont fugué ou ces
étudiantes qui écument les salons de thé et autres discothèques de la
corniche oranaise.

«Vous savez quand elles rentrent dans un cabaret, elles sont pimpantes
et font grimper au maximum les prix, mais au fil du temps, et à mesure
que la clientèle commence à quitter les lieux, elles se retrouvent à
brader leurs corps, à quémander un lit pour passer ce qui reste de la
nuit. Elles sont comme ça, elles ne savent rien au métier», dira Haloum.

Les bars de la ville, un autre terrain de chasse

Affalée sur son banc, ses yeux suivaient les passants dont elle tentait
d’accrocher le regard avant de se fendre d’un sourire qui montre des
dents rongées par le tabac et l’alcool.

«Vous avez, le samedi et le dimanche chez nous à la rue de l’Aqueduc,
c’est le travail à la chaîne. Les Chinois qui ont quartier libre se
ruent dans la maisonnette chancelante et classée depuis des lustres
vieux bâti.

Ses murs risquent un jour de s’affaler sur nos têtes», dira-t-elle avant
d’expliquer que ses « incursions» à la place d’Armes sont nécessaires
les autres jours de semaine pour tenter de lever un ou deux clients
quand ses habitués ne la relancent pas.

Devenue loquace, elle nous expliquera que certaines filles «chassent» du
côté du Café riche en plein centre-ville. «Quand elles accrochent un
client et si elles n’ont pas où l’amener, elles s’engouffrent dans la
première entrée d’immeuble de la rue Charlemagne pour régler cela en
deux temps trois mouvements.

Les habitants et les commerçants de cette rue se sont plaints à la
police qui fait de temps à autre des descentes sur les lieux»,
dira-t-elle. A mesure que le temps passait, Haloum devenait nerveuse,
«c’est la dèche aujourd’hui et je crois que je suis obligée d’aller
faire ma traque dans un bar du centre-ville.

Il existe encore quelques établissements qui acceptent volontiers notre
présence même si nous ne sommes pas considérées comme des entraîneuses
qui poussent la clientèle à consommer.

Généralement, nous entamons la soirée dans un bar du centre-ville avant
de nous faire inviter à une discothèque de la corniche. Mais quand nous
n’arrivons pas à trouver le client fortuné capable de nous assurer une
belle soirée, nous nous rendons à deux, voire trois, dans un des
nombreux cabarets de la Corniche pour partir en chasse.

Généralement, nous nous rendons en taxi, ce sont pour nous des
chauffeurs qui sont parfois des rabatteurs et quand ils nous proposent
des clients, généralement des gens de passage à Oran, on leur octroie
une commission», dira-t-elle.

Les filles qui officient à la Corniche sont des magasins ambulants.
Outre les préservatifs qu’elles proposent aux clients, elles se font un
réel plaisir à proposer du Viagra pour retaper une virilité défaillante
après une cuvée trop poussée ou des comprimés psychotropes pour trouver
très vite le septième ciel.

Les occasionnelles,ces empêcheuses de tourner en rond

Haloum qui se considère comme une prostituée respectueuse de la morale
et de la loi, a une dent contre celles qu’elle désigne sous le vocable
des «occasionnelles».

«Ce sont des filles que rien ne peut trahir. Elles sont étudiantes
venues généralement de l’intérieur du pays, des femmes au foyer sans le
sou, des ouvrières qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts ou qui
gonflent leurs gains pour se permettre de vêtements et des parfums
made-in.

Généralement, elles opèrent dans des maisons de rendez-vous, appelées
«merkez» ou «mrakez» (au pluriel) à Oran et dans la région ouest.

Ces femmes travaillent généralement en réseaux organisés autour de
hammams, de salons de coiffure qu’elles utilisent pour se rencontrer, se
refiler des rendez-vous pour de potentiels clients», dira Haloum en
enveloppant ses propos d’un chapelet d’injures, capables d’écorcher les
oreilles chastes, à l’encontre de ces femmes.

Vous ne pouvez pas les différencier des autres quand elles sont dans la
rue. Généralement, elles s’enveloppent dans d’amples djellabas pour
aller à la rencontre du client.

Dans certains salons de thé et bars de la ville, elles se font remarquer
surtout par leur sobriété. Quand vous les invitez à partager une bière
avec vous, elles déclinent gentiment l’invitation tout en vous proposant
de s’attabler avec vous et leur refiler l’équivalent de la bouteille de
«bibine», à chaque tournée commandée.

«Tpijen (elles pigeonnent ou déplument) les clients, en leur proposant
de les suivre dans la maison où elles officient ou dans n’importe quel
hôtel miteux d’Oran», dira Haloum qui ne manquera de les charger de tous
les maux du monde. «Vous savez, le client risque facilement avec elles
de choper une MST ou le sida», car elles ne prennent aucune précaution».

«Vous savez, les maisons de rendez-vous, il en existe plusieurs dans la
ville. Il en existe pratiquement dans chaque quartier. Allez poser la
question aux agences immobilières et on vous dira que si par le passé
les appartements du rez-de-chaussée étaient recherchés par les médecins,
les avocats et ceux qui pratiquent des professions libérales,
aujourd’hui ils attirent des matrones qui les utilisent pour faire
exercer à des filles consentantes le plus vieux métier du monde.

Plusieurs cités comptent des garçonnières et ce genre d’établissements
dont les adresses s’échangent entre habitués. La police démantèle à
tours de bras des réseaux mais d’autres prennent leurs places. C’est un
business qui évolue dans l’ombre, qui a ses codes, sa morale, et ses
lois», dira Haloum.

Il y a quelques années, la police avait fait une descente dans un hôtel
situé sur les hauteurs du centre-ville. Un réseau de prostitution y a
été démantelé et plusieurs individus furent écroués. Mais c’est un
milieu secret qu’il est difficile de cerner par les temps qui courent.

«La prostitution qui était confinée dans les maisons de tolérance,
durant les deux premières décennies qui avaient suivi l’Indépendance, a
occupé tous les espaces après la fermeture de ces établissements.

Clandestine d’apparence, elle est présente partout au point où dans
certaines villes, des quartiers sont devenus des endroits où la chair se
vend au plus offrant», dira S. Mehdi, un enseignant en sociologie à
l’université d’Oran.

Il ne manquera pas de souligner que la fermeture des maisons closes a
jeté des cohortes de femmes dans la clandestinité devenant ainsi un
potentiel danger pour les bonnes mœurs et la santé publique.

«Jadis les pensionnaires des maisons closes étaient suivies par des
médecins, mais aujourd’hui, notamment avec le sida, quelle est cette
femme qui ira subir le test anti Vih», ajoutera cet universitaire

Et alors que Haloum quittait son banc sans avoir levé le moindre client,
Paulette qui nous a rejoints dans un bar du centre-ville nous proposera
une virée du côté de Canastel. «Vous verrez, là-bas la prostitution n’a
pas d’âge, les vieilles côtoient les jeunes premières. Il y en a pour
tous les goûts et pour toutes les bourses.

Il suffit d’aller faire un tour du côté des cabarets où on continue de
passer du bon temps sous les airs de la gasbah pour retrouver une belle
panoplie de femmes», dira-t-elle.

En fermant les maisons closes, nous n’avons fait que jeter la
prostitution dans la rue. Le phénomène qui ne s’affiche plus sous des
enseignes rutilantes est devenu sournois, et son danger, aidé par la
clandestinité, guette la société,

aussi bien celle des hommes que celle des femmes. Nos pensées vont vers
Zouzou, Pamela, Sirena, Paulette et Haloum, ces guerrières de la chair
qui ne font pas ce métier par plaisir, mais qui sont comme les lucioles à
la recherche d’une lumière qui finit toujours par leur brûler les ailes
pour les jeter dans la déchéance et les précipiter vers la mort.








































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