Halima
obtint gain de cause et retourna aux environs de Médine, appelée alors
Yathrib, avec l'enfant qui allait entamer sa troisième année. À la fin
de la quatrième survint alors un grand événement dans la vie du jeune
enfant et qui allait marquer sa vie en l'immunisant définitivement
contre les insinuations de Satan.
Alors
que Mohamed accompagnait son frère de lait Abdallah pour suivre un
troupeau de bêtes aux alentours de la maison de campagne, deux hommes
vêtus tout de blanc apparurent soudainement le prirent et ouvrirent sa
poitrine pour lui extraire un morceau de chair. Ils disparurent non sans
avoir fermé l'ouverture en laissant l'enfant sur place comme si de rien
n'était. L'opération miraculeuse, mais réelle, s'était déroulée très
vite. Abdallah, qui a tout vu, alerta aussitôt la mère Halima. Celle-ci
se dépêcha pour calmer le jeune Mohamed et lui apporter secours en
essayant de comprendre ce qu'il lui était arrivé.
Deux hommes en blanc
Craignant
pour lui et réalisant l'ampleur de l'événement, elle décida de se
rendre à La Mecque une troisième fois pour remettre l'enfant à sa mère
en lui racontant les faits. Amina n'était nullement inquiétée sachant
que son enfant était protégé par la Providence divine. Entre les deux
mères se noua une solide amitié. Amina informa Halima qu'elle avait vu
en songe, pendant sa grossesse, une lumière qui sortait de son ventre en
éclairant la terre jusqu'en Perse et plus loin. Elle-même avait
interprété ce songe en prédisant que son enfant allait avoir un grand
destin. Mais cette jeune dame au caractère exemplaire d'à peine la
vingtaine passée fut ravie à son enfant précocement avant de voir son
rêve se matérialiser et sans embrasser la nouvelle religion
contrairement à Halima.
L'écriture de l'histoire
L'écriture
de l'histoire sur ce volet important demeure, malheureusement, pas
assez éclairée, alors qu'elle est d'une grande importance dans la
compréhension de l'évolution du parcours du futur Prophète et finalement
du triomphe de l'Islam. Déjà Ibn Khaldoun s'était révolté contre la
manière de rapporter et de présenter les faits par les historiens dans
sa Mouqadima. Plus près de nous, l'écrivain arabe Taha Hussein a voulu,
lui aussi, innover en présentant autrement un traité sur les compagnons,
au grand dépit de certains esprits orthodoxes en posant des questions
et en essayant d'interroger les faits. C'est pourquoi tout n'a pas été
dit sur ce passage. Certains reprochent même aux savants musulmans leur
penchant pour l'apport des hommes aux dépens de celui des femmes.
Pourtant
le Saint Coran l'immortalisa en lui consacrant deux sourates, bien
courtes, mais assez révélatrices : sourates Addhoha (l'éclat du jour) et
Echarh (l'ouverture) de la poitrine. Ceci doit inciter les chercheurs à
se pencher sur cette période. Un des traits de comparaison avec Youcef,
par exemple, est le fait d'avoir été laissé seul lorsqu'il perdit sa
mère alors qu'il n'avait que six ans, loin de La Mecque, dans un endroit
désertique et presque lunaire. Avant qu'elle ne meure, Amina effectua,
en effet, un dernier voyage en compagnie de son enfant pour rendre
visite aux siens à Médine. Les historiens restent muets sur les
circonstances de ce voyage. Ils se contentent de mentionner la mort
d'Amina sur le chemin du retour tout près de Médine, où elle fut
enterrée.
Solitude d'un adolescent
Rien
sur l'enfant laissé seul dans cette terre déserte et comment il avait
pu regagner La Mecque. Rien sur les visites éventuelles chez ses oncles
maternels et même ses retrouvailles attendues avec sa mère nourricière
Halima et ses frères et sœurs de sang, ainsi que les lieux de son
enfance pour lesquels il avait sans doute un grand attachement en
l'ayant marqué à jamais. Qui dit qu'Amina n'avait pas effectué ce voyage
également sur l'insistance de son enfant qui tenait à retrouver son
milieu naturel tant aimé ? C'est pourtant un enfant éveillé, intelligent
et attachant, à la mémoire fraîche et éveillée. Amina, dame affective,
avait sans doute répondu au désir de son enfant en plus du devoir
familial. Halima elle-même, aux aguets des moindres informations en
provenance de La Mecque, aurait eu vent de ce déplacement et ne pouvait
s'empêcher d'inviter ou du moins rencontrer les illustres visiteurs. Ce
sont des interrogations qui méritent bien une réponse.Voilà le jeune
adolescent dans une situation des plus déplorables : sans la tendresse
de ses deux mères et ayant déjà perdu le père avant qu'il naisse.
À
La Mecque, il fut pris en charge par son grand-père Abdelmoutalib qui
eut grand soin de lui et ensuite par son oncle paternel Abou Taleb qui
prit sa défense face aux attaques des Koraïchites. De loin, Halima
continua jalousement à suivre l'évolution de son enfant, convaincu elle
aussi de son don et d'une baraka jamais vue.
S. B.
Liberté