Il fut un temps où l’Université algérienne était un des fleurons du pays, une pépinière pourvoyeuse de cadres pour les besoins des institutions. Ce temps est loin dernière nous. Tout le monde reconnaît aujourd’hui, l’étudiant en premier, que le niveau universitaire baisse d’une année à une autre. L’étudiant est plus intéressé par l’obtention d’un diplôme pour accéder au marché du travail que par la qualité de la formation.
Le système de l’enseignement supérieur en Algérie a connu un développement remarquable. Les indicateurs les plus visibles de cette croissance sont un réseau composé de 41 villes universitaires, un effectif d’étudiants de plus de un million, celui des enseignants évalué à 31 700 et plus de 120 000 diplômés par an. Mais au-delà de ces chiffres, qu’en est-il de la qualité de l’enseignement dispensé, du savoir et des connaissances acquises par l’étudiant ? De l’avis des observateurs, cette qualité va de mal en pis. L’Université algérienne peine à atteindre le niveau nécessaire dans un contexte économique de plus en plus mondialisé. Tout le monde le reconnaît, l’étudiant en premier lieu, le niveau de l’universitaire est en baisse : manque de connaissances scientifiques, déficit de culture générale, lacunes linguistiques. Certes, ce phénomène n’est pas spécifique à l’Algérie, plusieurs pays comparables au nôtre connaissent, en effet, le même problème, mais à des degrés moindres.
Quel est le constat à faire de l’Université algérienne ? Selon plusieurs enseignants rencontrés sur le terrain, l’Université algérienne est en crise depuis des années. Plusieurs facteurs, notamment de nature politique et idéologique, ont favorisé la régression de l’enseignement supérieur. Depuis 1971, trois plans de réforme de l’enseignement supérieur ont été mis en application sans évaluation objective du système, ni implication réelle des spécialistes, ni encore prise en considération des mutations structurelles qui allaient bouleverser le monde. Le processus d’arabisation a été instauré sans prendre en charge l’encadrement existant, qui était en majorité francophone, notamment dans les filières scientifiques et techniques. Du coup, l’étudiant qui a fait totalement ses études en langue arabe se retrouve à l’université obligé de se mettre au français avec toutes les difficultés et les incohérences que le passage d’un système linguistique vers un autre implique.
Une piètre position à l’échelle internationale
Aujourd’hui, l’université a du mal à atteindre le niveau requis. Que ce soit sur le plan régional ou sur le plan international, l’enseignement supérieur occupe toujours la queue du classement, notamment celui de Schengen 2008. La meilleure université algérienne, en l’occurrence celle de Tlemcen, n’a obtenu, en 2007, que la 39e place sur le plan africain, loin derrière les universités marocaines, tunisiennes, égyptiennes et sénégalaises… Au classement international, la situation est plus grave. Sur un total de 7 000 universités classées, l’Algérie ne pointe qu’à la 6 995e place. Ce n’est pas réjouissant. Ce classement est basé sur le nombre d’étudiants inscrits, les publications universitaires et les prix Nobel obtenus par des chercheurs travaillant au sein de ces universités. Ce classement est loin d’agréer notre ministre de l’Enseignement supérieur. Et pour cause ! En effet, Rachid Harraoubia conteste la crédibilité de ce classement, considérant qu’il est surtout basé sur des critères idéologiques.
Les réserves du ministre n’enlèvent, cependant, rien au constat général. À savoir que l’Université algérienne forme aujourd’hui des candidats au chômage. Des milliers de diplômés quittent l’université sans les acquis nécessaires leur permettant d’avoir de réelles chances d’insertion dans le monde du travail. Pour cela, ils se dirigent vers des formations professionnelles et d’autres domaines. Même s’il n’existe pas de statistiques officielles sur le nombre d’universitaires qui travaillent dans leur domaine, les sociologues estiment qu’à peine près de 40% réussissent à avoir des postes d’emploi en rapport avec leur formation.
Ce qui renseigne sur la qualité de l’enseignement et sur l’absence d’encadrement dans nos universités. “Je suis licencié en interprétariat, j’ai dû prendre des cours d’expression orale pour me perfectionner car nous avons beaucoup de lacune à l’interprétation simultanée et en phonétique”, a témoigné Naïma, une jeune diplômée. Malgré les efforts consentis pour augmenter le nombre d’infrastructures, le gouvernement n’accorde pas beaucoup d’importance aux ressources humaines. Plus de un million d’étudiants inscrits en 2008/2009 avec un manque d’enseignant de rang magistral.
Résultat : des amphithéâtres surchargés et un enseignement de mauvaise qualité, ainsi qu’une politique de gestion basée sur le rachat des étudiants pour libérer des places pédagogiques aux nouveaux bacheliers. S’ajoute à cela la mentalité de l’étudiant d’aujourd’hui qui ne fait aucun effort pour élever son niveau. “Nous avons affaire à des étudiants démotivés, sans repères. Pour eux, l’effort n’est pas récompensé, alors ils usent de tous les moyens pour finir leur cursus. Du coup, le diplôme devient une fin en soi”, déclare M. Djemai, professeur de littérature anglaise à la faculté de langues de Bouzaréah. Il explique, par ailleurs, que cela va de soi avec la mentalité des jeunes Algériens pour qui décrocher un emploi devient plus important que les connaissances acquises durant leurs années d’étude.
source : Liberté