Depuis la sortie en 2007 de son album 'La France des couleurs', pour lequel il était accompagné de Tiken Jah Fakoly, Akhenaton, Sinik, Grand Corps Malade, Oxmo Puccino et Sniper notamment, le chanteur algérien écume inlassablement les scènes de France, et passera par l'Institut du monde arabe à Paris en février 2009.
Idir était cette année l'un des invités prestigieux des
Musicales de Bastia, festival qui a lieu durant le mois de septembre dans la préfecture de Haute-Corse.
Cela fait trois décennies que l'homme chante avec sincérité les problèmes de son peuple, la douleur de l'exil, le mépris, le racisme et la difficulté de l'intégration. Son avis éclairant balaie toutes ces questions avec une lucidité et un recul salutaires. Le "précurseur de la world music" a par ailleurs multiplié les duos dans tous les styles, mêlé sa musique kabyle à toutes les influences :
Jean-Jacques Goldman,
Manu Chao,
Dan Ar Braz,
Maxime Le Forestier,
Zebda,
Yannick Noah et tous les artistes ayant participé à 'La France des couleurs' ont ainsi croisé sa route au détour d'un morceau. Rencontre avec un artiste véritablement ouvert et engagé.
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Votre rythme de sortie d'albums est très lent : seulement quatre disques en trente ans. Quelle en est la raison ?Je n'ai pas choisi ce métier. Le hasard a voulu qu'il n'y ait pas de lycée en Kabylie, que j'aie été obligé de venir à Alger, que mon lycée soit en face d'une radio et qu'on m'ait appris quelques rudiments de guitare. J'ai composé pour quelques chanteurs sans avoir l'intention de chanter. Mais j'ai dû remplacer une artiste malade un jour, et ce fut le début de ma carrière. Mais comme je n'ai pas choisi ce métier, j'ai la distance nécessaire pour faire mon petit bonhomme de chemin tranquillement.
En plus de cela, je ne rentre pas dans les critères pour être un personnage public : mettre des vestes rouges à paillettes ou des chapeaux orange ne m'attire pas ! Je ne sais pas pousser les autres pour me faire une place. Je m'excuserais presque d'être là à essayer de chanter devant qui veut bien m'écouter. Donc si je n'ai rien à dire je me tais. Ma chance a été de pouvoir vivre de ma musique avec aussi peu de production. Et c'est peut-être aussi l'une des raisons pour lesquelles beaucoup de gens m'aiment. Ils ne voient aucune supercherie, aucun ego surdimensionné, aucun effet de mode, aucune complaisance dans ma carrière. J'explique ça comme ça. Mais il y a peut-être aussi simplement de la fainéantise…
(rires)Diriez-vous que vous jouez de la musique kabyle ?Au départ c'est une musique kabylo-kabyle. Quand tu es dans ton village et que tu n'en es jamais sorti, tu penses forcément que ta culture est LA culture. Après, tu rencontres l'Autre, et vous vous enrichissez mutuellement de vos différences. C'est comme un dépucelage, tout cela te change, modifie ta mentalité, ta manière d'être… et ta musique ! Elle est aujourd'hui donc moins strictement kabyle, car je ne suis pas kabyle comme mon père l'a été, ni comme mes enfants le seront. Je mets simplement des sensations en notes et en mots.
Quel regard portez-vous sur l'étiquette "world music" à laquelle on aime vous associer ?Pour moi, tout est "world music", même la musique anglo-saxonne. On appartient tous à la même planète, que je sache…
A mes débuts, je faisais de la world sans le savoir, à la manière de Monsieur Jourdain. C'est simplement parce que j'arrivais d'ailleurs et que je venais toquer à une oreille occidentale qu'on m'a étiqueté comme ça. Mais je trouve cela un peu dégradant pour les "gens venus d'ailleurs", comme label. Leur musique est aussi belle et aussi universelle que les autres. Même s'il y avait un seul habitant en Papouasie qui faisait de la musique, pour moi elle serait déjà universelle. C'est le propre de ce langage. Hélas, il y a la loi du marché qui fait que la musique occidentale est beaucoup plus écoutée, mais ce n'est pas une raison. On peut ne pas aimer cette dernière. Cette distinction est surfaite. Je préfère qu'on parle de styles musicaux, de reggae, de rap… Mais chanter en français ou en kabyle, c'est la même chose pour moi. Il faut arrêter de stigmatiser les artistes en raison de leur origine géographique !
A cause de cette industrie musicale, certains artistes classés "world" sont tentés de formater leur musique aux oreilles occidentales. N'y percevez-vous pas un danger d'appauvrissement des cultures ?Bien sûr ! Mais il faut sortir de la complaisance du côté des artistes également. Beaucoup sont tentés d'adapter leur musique aux goûts des Occidentaux pour connaître un succès commercial. C'est une mauvaise démarche. En suivant cette voie, on fait de la guimauve. Si tu as de la chance, tu feras un ou deux tubes mais on te laissera tomber très rapidement… Je pense qu'il faut avant tout être sincère avec soi-même.
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