Une polémique vient d'éclater en Allemagne autour d'un programme de recherche sur la fertilisation des océans par le fer. Baptisé Lohaflex (loah pour fer en hindi, et flex pour fertilization experiment en anglais), ce programme consiste à déverser 20 tonnes de microparticules de sulfate de fer dans les eaux antarctiques, au large des îles de Géorgie du Sud, et à étudier les conséquences de cette opération. C'est le plus ambitieux programme jamais lancé sur cette problématique. Il est le fruit d'une étroite collaboration entre l'Inde et l'Allemagne.
La polémique oppose le ministère de l'Environnement allemand au prestigieux Institut Alfred-Wegener. Ce dernier est un des principaux contributeurs de Lohaflex. Il fournit le Polarstern, un gros brise-glace suréquipé et une dizaine de scientifiques. Le bateau embarque une trentaine de chercheurs indiens et plusieurs européens dont un français.
La mission devait commencer à la fin de la semaine prochaine mais, au fur et à mesure que l'échéance approche, les ONG environnementales dénoncent avec de plus en plus d'insistance les risques pour le milieu marin. Finalement, le ministère de l'Environnement les a entendues et a demandé une réévaluation du programme par des experts internationaux indépendants. Ils devraient rendre leur verdict d'ici à une semaine.
Les scientifiques sceptiques
En attendant, le Polarstern continue à naviguer vers la zone prévue pour l'opération. L'Institut Wegener est soutenu par le ministère de la Recherche et se montre confiant. Il souligne que Lohaflex vise à étudier l'efficacité de la fertilisation en fer et son impact sur le milieu, et non pas à faire la promotion de cette technologie. Autre argument invoqué : 20 tonnes de fer, c'est moins que ce qu'un iceberg relâche en fondant.
Le fer est l'un des principaux éléments dont se nourrit le phytoplancton. Il favorise la prolifération de ces micro-algues qui jouent un rôle important dans le cycle du carbone et donc du CO2, l'un des principaux gaz à effet de serre à l'origine du réchauffement. En effet, le phytoplancton absorbe le CO2 et le fait disparaître au fond des océans en mourant.
Potentiellement, si l'on déverse des particules de sulfate de fer dans des zones de l'océan naturellement pauvres en cet élément, les plus optimistes estiment qu'on a là un moyen d'absorber une bonne part des rejets de CO2. On parle d'une capacité de stockage d'un milliard de tonnes par an. Des firmes américaines sont déjà sur les rangs pour lancer des opérations à grande échelle. Si un marché du carbone est mis en place un jour, elles pourraient toucher le jackpot.
Une bonne partie des scientifiques se montre néanmoins sceptique voire critique. Ils estiment que la fertilisation par l'homme n'a pas la même efficacité que les apports naturels. Ils font valoir aussi qu'elle risque de perturber l'ensemble de la chaîne alimentaire marine. Plusieurs conventions internationales ont demandé un moratoire sur la fertilisation des mers.
par Le figaro