Tennis | Aujourd’hui, il retrouvera sa place de No 1 mondial que lui avait chipée Rafael Nadal l’année passée. Quelle finale, mes amis, l’une des plus belles qu’il nous fut donné de voir – avec celle d’anthologie de l’année passée – en quinze tournois de Wimbledon! Et qui retrouve-t-on au clavier? L’inévitable Roger Federer, bien sûr, mains de pianiste et enfant de la balle. Désormais élevé au rang de Mozart du tennis dans le Temple. A qui on associera Andy Roddick, sans qui la dramaturgie que l’on a vécue hier n’aurait pas eu lieu d’être.
Sixième trophée de Wimbledon sous le bras et quinze sacres du Grand Chelem à son compteur, Roger Federer (50 aces, 13 de plus que Roddick!) a écrit une nouvelle page au grand livre de l’Histoire – avec un grand H – du tennis. Personnage respecté des anciens et adulé des foules, il fait l’unanimité autour de lui.
Rod Laver, l’homme aux deux Grand Chelem, est venu spécialement d’Australie, et Pete Sampras a débarqué tout exprès de Californie pour rendre hommage au champion des champions, intronisé nouveau No 1 mondial ce matin.
Désormais, trois questions se posent. Toutes simples, mais qui sont plus que jamais d’actualité.
1. Federer est-il le plus grand joueur de l’histoire?Les uns – dont nous faisons partie – prétendent que oui. Les autres soulignent l’impossibilité, sinon l’incongruité, de comparer des époques différentes. Certes, Roger Federer a atteint la barre des quinze victoires dans les tournois du Grand Chelem (6 à Wimbledon, 5 à l’US Open, 3 à l’Open d’Australie et 1 à Roland Garros), un exploit qu’aucun joueur n’avait réussi avant lui. Ce chiffre suffit-il pour autant à faire du Bâlois le meilleur joueur de tennis de l’histoire? Non, affirment les puristes, lui préférant le légendaire Rod Laver, qui a compilé 11 titres dans les Majors avec deux Grands Chelems au passage, à sept ans d’écart (1962 et 1969). Et qui aurait pu prétendre à plus somptueux palmarès encore s’il n’avait pas été privé de plusieurs tournois du Grand Chelem, de 1963 à 1968, en raison de son statut de joueur professionnel.
2. Qu’en pense justement Rod Laver, le joueur aux deux Grands Chelems?«Pour qu’on débatte un jour du sujet sans passion, avait répondu l’icône du tennis australien à L’Equipe au lendemain de la première victoire de Federer à Roland Garros, il faudra attendre que Roger prenne sa retraite. Il peut être le meilleur incontestablement, mais il est encore au milieu de sa carrière, et comme c’est un grand champion… on ne sait pas ce qu’il nous réserve encore.»
Rod Laver a encore affiné son analyse hier: «J’ai toujours pensé que vous êtiez avant tout le meilleur joueur de votre génération. Mais qu’au-delà, la comparaison devient hasardeuse, voire impossible.» Pas faux non plus! Qui se souvient encore, par exemple, de l’époque de Bill Tilden, dix trophées du Grand Chelem entre 1910 et 1920, mais qui ne fit jamais le voyage en Australie, parce qu’il fallait des semaines de traversée en bateau pour rejoindre l’hémisphère Sud?
3. Le forfait de Rafael Nadal a-t-il facilité les plans de Roger Federer?Les absents ont toujours tort, c’est bien connu. Il serait donc malvenu de faire porter au Bâlois la responsabilité de l’absence du désormais ex-No 1 mondial, les genoux en compote et le moral en berne, à cause du futur divorce de ses parents. Roger Federer a profité des circonstances aussi bien à Roland Garros – encore qu’il a battu en finale Robin Soderling, le tombeur de Rafael Nadal – qu’à Wimbledon. A une nuance près. Sur le gazon londonien, l’histoire se serait écrite sans que l’Espagnol n’endosse forcément le rôle-titre. Toute l’Angleterre rêvait d’une ultime partie entre Andy Murray et Roger Federer. Rafa n’avait pas sa place dans ce scénario idéal. Andy Roddick, lui, oui, qui a prouvé qu’il n’avait pas usurpé une seule seconde sa place en finale.