Identité nationale : les
Français réservés sur le débatSamuel Laurent (lefigaro.fr) avec Le Parisien Eric Besson lors d'un débat avec des jeunes au ministère, le 9 décembre dernier.
Crédits photo : AFP
Alors que la question de l'identité nationale hérisse l'opposition et agite une partie de la droite, un sondage indique lundi que 50% des Français souhaitent la suspension ou l'arrêt pur et simple du débat, contre 31% qui veulent la poursuite des discussions. Faut-il arrêter le débat sur l'identité nationale ? C'est l'avis d'une majorité de Français, selon un
sondage CSA pour Le Parisien lundi.
D'après cette enquête, 29% veulent un «arrêt» de l'initiative lancée
par Eric Besson et 21% une «suspension» temporaire, contre 34% qui
souhaitent continuer à débattre. L'évolution est surprenante : le 1e
novembre dernier, dans le même journal, un autre sondage CSA expliquait
que 60% des interrogés jugeaient que ce débat était «une bonne chose».
Mais entretemps, la discussion a pris un tout autre ton. Le référendum suisse sur les minarets, les
propos controversés de Nadine Morano ou du
maire UMP de Gussainville, les milliers de contributions à caractère raciste ou xénophobe déposées sur l
e site consacré au débat,
l'ont transformé. De la question de ce qui réunit la communauté des
Français, il a abouti à une certaine stigmatisation de l'Islam et des
musulmans de France, comme
s'en est inquiété mercredi dernier le commissaire à la Diversité et à l'Egalité des chances, Yazid Sabeg. «Le
risque de traiter les musulmans comme une catégorie, une ethnie à part
est un vrai risque dans ce débat», expliquait-il à RTL. «Ce que
j'entends dans la bouche de certains élus de la République,
ce que je lis, ce que je vois sur Internet, me fait frissonner, me fait peur, comme musulman», a-t-il confié. «Je vois du racisme, une stigmatisation».
«Le racisme n'est pas une opinion, c'est un délit» Il n'est pas le seul. L'association SOS Racisme a lancé lundi une pétition et un site,
arretezcedebat.com.
Pour l'association, «depuis plusieurs semaines, les débats sur
l'identité nationale sont apparus comme des espaces de libération d'une
parole raciste, prompte à remettre en cause, de façon insidieuse ou
explicite, la légitimité de la présence sur le sol national de
catégories entières de la population». Selon l'association, il
est «inutile de sortir la carte du 'peuple dont l'expression est
légitime'». Car «dans notre pays comme dans toutes les grandes
démocraties, le racisme n'est pas une opinion, c'est un délit». Dès
lors, ajoute SOS Racisme, «les propos racistes tenus dans des réunions
organisées par les préfectures sont d'autant plus graves que l'Etat
vient apposer sa légitimité à l'expression de pensées qui n'ont pas
lieu d'être dans l'espace public». La pétition de SOS Racisme
a recueilli 140 signatures de personnalités, dont les ténors du PS
comme Martine Aubry, Laurent Fabius, François Hollande ou Lionel
Jospin, mais aussi des célébrités comme Isabelle Adjani, Pierre Arditi,
Josiane Balasko, Jane Birkin, Daniel Cohn-Bendit, Bernard-Henri Levy ou
Geneviève de Fontenay.
Enterrement discret du débat ? Face à un débat qui dérape,
l'embarras va croissant au sein de la majorité.
Dimanche, Alain Juppé a répété qu'il ne voyait pas l'utilité de cette
initiative. «La question ‘qu'est-ce qu'être français?' ne se pose pas
vraiment. Nous connaissons la réponse», estime l'ancien premier
ministre de Jacques Chirac. Pour lui, tout ce qui peut dresser les
communautés les unes contre les autres, et en particulier les musulmans
contre les autres, est détestable». Lundi, M
artine Aubry enfonce le clou en demandant l'arrêt d'un débat qui, selon elle, a «pour objectif de diviser et d'opposer». Officiellement, le gouvernement ne recule pas. Dimanche encore,
Rama Yade a dit «ne pas craindre» le débat.
Mais l'objectif politique de l'opération - garder dans le giron de
l'UMP les électeurs qui penchent à l'extrême-droite pour éviter une
remontée du FN aux régionales - semble désormais voué à l'échec. Signe qui ne trompe pas, Eric Besson,
dont l'image publique a souffert des écarts du débat, vient d'annoncer de discrets, mais importants changements. Alors que la discussion devait connaître sa conclusion par
un grand discours de Nicolas Sarkozysur le sujet fin janvier, à quelques semaines des régionales, il n'en
sera finalement rien. Le débat, «qui continue de passionner nos
concitoyens»,
selon le ministre, «s'étalera jusqu'à fin 2010, bien au-delà des élections régionales».
Le Figaro