Joseph Staline hante toujours la mémoire russe
Pierre Avril - Correspondant à Moscou
Lundi,à
Moscou,des communistes russes ont fêté le 130e anniversairede la
naissance de Joseph Vissarionovitch Djougachvili,dit Staline.
Crédits photo : AP
Seuls les communistes ont commémoré la naissance du dictateur, le 21 décembre 1879. Le fait que Joseph Vissarionovitch Djougachvili, dit Staline, ait
officiellement vu le jour à Gori, en Géorgie, le 21 décembre 1879, a
permis à la Russie de commémorer lundi le cent trentième anniversaire
de sa naissance. Dans ce pays qui n'en finit pas de contempler les
ombres de son passé, l'ancien dictateur, qui a dirigé durant trente ans
l'URSS d'une main de fer et fut responsable de la mort de millions de
ses compatriotes, occupe toujours une place singulière dans la mémoire
des Russes, mêlée de répulsion pour une minorité d'entre eux,
d'admiration et de tendre ironie pour les autres. Selon un sondage
publié le 18 décembre par l'institut VTsIOm, 54 % d'entre eux affirment
apprécier ses qualités de dirigeant, une opinion en recul de 9 points
par rapport à 2000. Huit pour cent sont d'un avis contraire. Par
ailleurs, 58 % des sondés estiment qu'un leadership de type stalinien
n'est plus nécessaire à leur pays. Les autorités n'ont organisé
aucune manifestation officielle. Les deux têtes de l'exécutif expriment
des opinions partagées à l'égard du dictateur. Le président Dmitri
Medvedev condamne les «répressions» dont s'est rendu coupable le
régime, ce qui n'empêche pas le premier ministre, Vladimir Poutine,
d'honorer le vainqueur de la «grande guerre patriotique». Lundi,
seuls les nostalgiques du stalinisme se sont chargés des
commémorations. Le leader communiste, Guennadi Ziouganov - deuxième
formation politique au sein de la Douma - a décoré des vétérans de la
Deuxième Guerre mondiale. Devant 1 500 personnes, il a déposé une gerbe
devant la tombe de son idole au pied du Kremlin. Le Parti communiste a
invité les Russes à faire silence sur les «erreurs de la période
stalinienne» et à voir dans l'ancien maître de l'URSS, non pas un
bourreau, mais «un créateur, un philosophe et un patriote» .
Tentative de réhabilitation La tentative de réhabilitation du leader soviétique se joue également
devant les tribunaux où le petit-fils de Staline poursuit les médias,
coupables, à ses yeux, d'avoir sali la mémoire de son grand-père. Après
avoir perdu son premier procès contre le journal Novaya Gazeta,
Ievgueny Djougachvili exige désormais d'Écho de Moscou 10 millions de
roubles (228 000 euros). Un animateur de la radio avait traité
de «salauds» les défenseurs d'un homme qui «a permis de fusiller des
enfants à partir de 12 ans, au titre d'ennemis de la nation» . Parfois,
le retour en grâce du Petit Père des peuples s'effectue
subrepticement : le métro moscovite a récemment restauré un slogan à sa gloire, sur la coupole du plafond de la station Kourskaya. Le slogan
litigieux avait pourtant été expurgé de l'hymne national en 1997. «À
force d'admirer Staline, a mis en garde la figure russe des droits de
l'homme Lioudmila Alexeïva, on risque de revivre une période identique
à la sienne.»
Le Figaro