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 Haïti : le chagrin et la colère des rescapés

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minouche kerro
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minouche kerro


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MessageSujet: Haïti : le chagrin et la colère des rescapés   Haïti : le chagrin et la colère des rescapés Icon_minitimeSam 16 Jan - 16:50

Haïti : le chagrin et la colère des rescapés






De notre envoyé spécial à Port-au-Prince, Tanguy Berthemet











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Des
habitants de Port-au-Prince font la queue pour recevoir de l'eau
potabledistribuée par un camion de pompiers, mercredi dans la capitale
haïtienne.
Crédits photo : AFP




REPORTAGE - Les survivants du séisme, qui ont passé leur quatrième nuit à la belle étoile, manquent de tout.




Haïti : le chagrin et la colère des rescapés Coeur-
Dès
le lever du jour, les habitants de Port-au-Prince se sont mis à
marcher. De longues colonnes silencieuses ont commencé à parcourir les
rues après une nuit rendue plus courte par les répliques qui secouent
encore la capitale. Chaque fois un grand cri et un mouvement de panique
accueillent la nouvelle saccade qui emporte les bâtiments les plus
branlants. La foule cherche de quoi se nourrir. Devant une
échoppe du centre-ville, fermée comme tous les commerces, une file
s'est formée. On annonce que la boutique va ouvrir. Quand ? Nul ne le
sait. L'ouverture est sans doute l'une des multiples rumeurs qui
parcourent les camps de réfugiés installés dans les moindres espaces
dégagés de la capitale. D'autres partent alors, sac sur le dos, vers
les quartiers les moins touchés. L'eau est une quête permanente. «C'est
très dur. On n'a rien. Personne ne vient et on se demande qui va nous
aider», se plaint Magdalena Jeudy, qui campe avec les siens dans les
jardins de la résidence du premier ministre. Demain, elle aura fini ses
dernières réserves de nourriture. Après-demain, elle ne sait pas ce
qu'il adviendra. Les prix ont flambé

Les
premiers camions d'eau, le plus souvent offerts par des sociétés
privées, commencent à tourner en ville. Mais ils sont loin d'être en
nombre suffisant. Les vendeurs de sachets d'eau proposent aussi un peu
de secours pour ceux qui ont les moyens. Car les prix ont flambé : les
dix litres du précieux liquide qui se vendaient un dollar en valent
désormais deux. Alors on se groupe autour des rares robinets qui
offrent un filet malpropre. «On se demande où est passé le
gouvernement. Le président a parlé vendredi à la radio, mais il n'a
rien dit. Nous avons besoin de quelqu'un qui commande, qui organise»,
tempête Pierre Maxime. L'homme, avec des dizaines d'autres,
patiente depuis des heures devant la station-service Texaco
Saint-Louis-Roi-de-France. Il espère pouvoir glaner quelques galons
d'essence. «Il nous en faut pour aller chercher nos morts et les
enterrer pour qu'ils ne pourrissent pas plus», affirme-t-il. Partout,
l'odeur pestilentielle de la mort dégagée par les milliers de cadavres
à demi ensevelis commence à se répandre. Mais la station restera
fermée. «Je pourrai gérer la distribution. J'ai fait face à des coups
d'État, des cyclones, des pénuries. Mais que faire de l'argent gagné ?
Il n'y a pas de banque. On me le volerait immédiatement», assure Frantz
Delacourt, le gérant. L'insécurité, toujours vive à Haïti, est source
d'angoisse. La prison, touchée par le tremblement de terre, s'est en
partie effondrée, libérant des milliers de détenus. Dans les
jardins du Champ-de-Mars, les survivants se recroquevillent sur leurs
maigres biens. On se jalouse. On s'épie. Lentement une colère empreinte
d'impatience et d'incompréhension monte. «On se demande où sont les
pompiers, les secouristes. On voit passer des avions dans le ciel, mais
ici on ne voit rien venir», explique Charles Jackson, qui vient de
dormir quatre nuits dehors avec ses jeunes enfants. «La situation est
inquiétante, constate Emmanuel Laguerre, un cadre. Ici, même en temps
normal, il n'y a presque pas de police. Et on ne sait jamais ce qui
peut arriver. Quand les gens ont faim, ils cessent de réfléchir.» Jessie
Bellerive, la secrétaire exécutive du premier ministre, en est
consciente. «Si nous nous trouvions dans leur situation, nous ne
réagirions pas autrement», rappelle-t-elle, étonnamment stoïque. Elle
reconnaît que le gouvernement a tardé à communiquer, à rassurer. «C'est
difficile. Il n'y a pas de téléphone. Les ministres ne peuvent même pas
se parler.» Des dizaines de grands immeubles se sont effondrés. La
clinique Sodec a enseveli ses 200 malades et médecins. Mais personne
n'a tenté d'organiser une opération de secours. Pas plus à l'hôpital
Bel-Air ou dans les écoles. «Il y a pourtant sans doute des gens
vivants à l'intérieur», reconnaît Sephyrin Ardoin. Ce vigoureux
commandant des pompiers d'Haïti, venu de Cap-Haïtien, a commencé dans
la nuit à fouiller les décombres de l'université de Port-au-Prince dans
la nuit de jeudi. Depuis deux jours, des cris et des appels à l'aide
filtrent au travers de l'immense tas de gravats, seul vestige du
building de cinq étages. Sauvetages miraculeux

Devant
les lieux, les familles impuissantes ne peuvent que répondre, faire des
promesses, et en appeler à Dieu. «Nous avons pu secourir deux
étudiantes. Nous sommes en contact avec deux autres. Mais il nous
faudrait d'autres matériels pour les extraire», indique l'officier.
Finalement, des secouristes américains lui viennent en aide, passant
outre les consignes de leur hiérarchie. Comme la plupart des
équipes internationales, les sauveteurs américains se concentrent pour
l'heure sur quelques immeubles, à commencer par l'Hôtel Montana. Cet
hôtel de luxe, le plus prestigieux de Port-au-Prince, a littéralement
glissé le long de la colline à laquelle il s'accrochait. «Il y avait
environ soixante clients et une dizaine d'employés au moment du drame»,
explique Rodriguo Vasquez, l'officier qui coordonne les opérations.
Depuis jeudi, une soixantaine d'hommes de la Sécurité civile française
sondent les vastes plaques de béton, tentant de repérer un signe. Des
Espagnols, des Chiliens fouillent aussi avec acharnement et parfois
avec succès. Jeudi, à la tombée de la nuit, alors que l'espoir
s'évanouissait, les secouristes français ont établi le contact avec six
survivants. À l'aube, quatre touristes américains ont pu retrouver
l'air libre, presque indemnes, après trois jours sous terre. Plus tard,
le liftier sortait lui aussi, miraculé. Assis sur une petite
chaise, le regard vide, Lucksen ne réalise toujours pas. Coincé dans la
cabine d'ascenseur presque intacte, il a gardé espoir. «Je savais que
l'on viendrait», dit-il en brossant d'un geste automatique son uniforme
à peine poussiéreux. Combien d'autres dans la ville ravagée prient
encore dans leur prison ?
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