La francophonie marque-t-elle le déclin de la langue française dans le monde ? Et puis, en ces temps de vaches maigres, la France a-t-elle toujours les moyens de perpétuer «sa» francophonie ? Ce sont là les questions entre les lignes qu’a «posées» Jean Marie Borzeix, journaliste et directeur littéraire aux Editions du Seuil, venu parler, en début de semaine dernière, au Centre culturel français de Constantine sur «les enjeux modernes de la francophonie». Le conférencier, qui s’est longuement étalé sur l’historique du terme francophonie, paru au 19e siècle et redécouvert depuis près de cinquante ans, a souligné qu’il faut différencier entre une francophonie institutionnelle, formelle et même politique, une sorte de mini-Nations unies réunissant les Etats qui ont la langue française en commun, et la francophonie, chère à son cœur, «une manière d’être soi-même». Pour Borzeix, même si la langue de Molière a perdu son prestige interna-tional, 200 millions de personnes parlent encore le français. Mieux encore, le conférencier avance que des progrès dans l’apprentissage de la langue française se font sentir. Il cite entre autre les Chinois et aussi les Coréens du sud qui se sont mis à apprendre le français. Les intentions sont purement commerciales, puisque l’objectif est de conquérir l’Afrique, mais c’est toujours une communauté de gagnée. Aussi à l’ouest du Canada, affirme le même interlocuteur, le français est à la mode même au sein de la bourgeoisie. Néanmoins, jaloux de sa langue, Borzeix indique que la francophonie n’est plus un cas isolé. Elle est même imitée, disait-il, avançant que les communautés linguistiques espagnole et portugaise gagnent de plus en plus du terrain au-delà même des frontières de l’Amérique latine et que les turcs sont en train de retrouver leurs zone d’influence, via leur langue, au Caucase. Un sujet qui mène Borzeix à aborder les moyens de la France dans la préservation de «sa» francophonie. Fier, il estime qu’avec 150 centres culturels français à travers le monde, 200 alliances culturelles financées par la France, 150 lycées dédiés à la langue de Molière et 3 000 fonctionnaires œuvrant à perpétuer langue et savoir-faire français, son pays est de loin le premier réseau international de diffusion de la culture. Un réseau que Borzeix appelle, non sans un tremblement de voix, à défendre bec et ongles. Alors l’avenir de la francophonie se joue-t-il en Europe ?Pour Borzeix, les enjeux sont très serrés, notamment avec l’élargissement continu de l’Union européenne et l’introduction de nouvelles langues. En Afrique aussi, le conférencier, tout en reconnaissant le poids de ces pays dans la préservation de la langue française, a souligné que les difficultés économiques entravent la suprématie de la langue de Molière. Moza D. |