Jean-Louis Borloo : «C'est une première étape»
Propos recueillis par Marielle Court
«Sans,l'action conjointe d'Angela Merkel, de Gordon Brown et de Nicolas
Sarkozy, il n'y aurait pas eu un accord de Copenhague», assure
Jean-Louis Borloo.
Crédits photo : Le Figaro
Pour le ministre de l'Écologie, les règles de l'unanimité imposées par l'ONU sont trop contraignantes pour arriver à un accord. Jean-Louis,Borloo, le ministre de l'Écologie, a bataillé durant quinze jours à Copenhague pour obtenir un accord. Après deux nuits blanches et un peunde repos, il livre ses réflexions.
LE FIGARO. - Doit-on parler d' un échec de Copenhague ? Jean-Louis BORLOO. - Ce n'est pas un succès, c'est une étape difficile et importante. Il y a un incroyable décalage entre les convictions affichées, la prise de conscience, les décisions françaises et européennes, et la réalité du reste du monde.
C'est-à-dire ? La France vit dans une union sacrée, grâce au
Grenelle environnement,
qui lui a permis de faire un chemin considérable. Copenhague, en
revanche, n'a pas été un Grenelle mondial. C'est cela qui crée en fait
notre déception. On mesure d'ailleurs à l'aune de ce qui s'est passé à Copenhague à quel point
l'accord européen sur le climat adopté en décembre dernier a été une performance. On trouve des pays pour qui se mettre autour de la table de négociations représente
une énorme contrainte.
Le mandat de Lula, c'est de nourrir sa population. Celui de la Chine ou
de l'Inde, c'est de réduire le nombre d'habitants qui vivent en dessous
du seuil de pauvreté et qui se comptent par centaine de millions. Pour nous, c'était le rendez-vous de l'espoir pour ces pays, le rendez-vous de la difficulté.
Quelles sont les avancées du texte ? On
entre dans un processus de construction commune. Désormais, la Chine,
les États-Unis, l'Inde, l'Afrique, le Brésil et, bien sûr, l'Europe
sont assis autour de la même table. C'est très important. Il faut bien
se rappeler qu'un processus comme celui de Kyoto a mis treize ans pour
aboutir. Il y a par ailleurs des engagements financiers
importants : à court terme, d'ici 2012, 10 milliards de dollars par an
ont été actés. Ils sont destinés prioritairement aux pays les plus
vulnérables, ce qui était une revendication française forte et qui
représente pour eux un atout de développement majeur. À long terme,
engagement est pris de monter en puissance, de telle façon qu'il y ait
100 milliards par an en 2020. C'est une première étape.
Est-on arrivé au bout d'un processus de négociation dans le cadre de l'ONU ? Après
deux ans de discussions intenses, les négociateurs de l'ONU n'ont pas
réussi à produire un seul texte. Ou, tout du moins, ceux qu'ils ont
produits étaient criblés de mots entre parenthèses demandant à être
confirmés ou infirmés. On ne peut plus fonctionner avec un système
d'unanimité qui impose un vote positif de 193 pays en même temps. On ne peut pas fonctionner avec un système d'unanimité, avec des intérêts
aussi divergents qu'entre pays pétroliers et non pétroliers, qu'entre
petits et grands pays.
Maintenant, que va-t-il se passer ? Le
document qui a été validé à Copenhague vaut accord opérationnel pour
que la Conférence climat applique les engagements. Mais, surtout, il y
a des engagements multilatéraux. En matière de financement, par
exemple, on peut parfaitement décider de la création d'un fonds géré
paritairement entre les financeurs et les bénéficiaires s'appuyant sur
la législation financière internationale. On n'a pas besoin d'attendre
un traité de l'ONU. Je suis bien sûr favorable à ce que ce processus de
négociations aboutisse à un traité, mais, s'il y a les mêmes règles
qu'à Copenhague, la prochaine conférence, prévue à Mexico, sera
confrontée aux mêmes difficultés en décembre prochain.
L'Europe
ne ressort-elle pas cabossée de cette négociation qui a vu s'affronter les deux géants du monde que sont la Chine et les États-Unis ? L'Europe a été très présente. Sans l'action conjointe d'Angela Merkel, de Gordon Brown et de Nicolas Sarkozy, il n'y aurait pas eu un accord de Copenhague.
L'Europe, qui s'était engagée à passer à 30 % de réduction de gaz à effet de serre en cas d'accord satisfaisant, n'a pas l'air de vouloir en prendre la voie… Nous
espérons que ce sera la position commune de l'Europe. La France, en
tout cas, s'y est engagée. Le président de la République l'a annoncé.
Nous avons fait nos calculs et nous savons que nous pouvons le réaliser.
Le Figaro